samedi 3 octobre 2015

Si tu me cherches, je suis au fond de la piscine du parc central

Y'a ben des fois que j'ai touché le fond sans vraiment le chercher. Écrasé sur plancher le plus rugueux du monde, celui qui t'écorches les pieds aussitôt que t'essaies de t'y tenir debout, celui qui ne fait qu'une bouchée de la plus épaisse des cornes, je restais immobile les yeux rivés vers la surface. À une telle profondeur, le monde extérieur montre enfin son vrai visage. J'ai réalisé, au moment où la pression a fait plier ma rétine et crever mes tympans, que la vérité était là, tout en haut, si haut qu'aucun souffle d'aucun air même le plus pûr, qu'aucun poumon, même le plus plein, quand même ben j'en aurais deux paires, ne me permetterait d'y accéder une dernière fois.
Cette face qui s'est révélée, c'était celle des vagues. Sur le dos de la houle, la vie s'étire jusqu'à ce qu'elle soit tellement floue, imperceptible.
Je restais cloué au fond, le poids de l'épiphanie empêchait mon corps de remonter. J'étais de bois et pourtant je ne flottais pas, un bois pourri, un petit tronc coupé trop jeune, une pitoune oubliée à la drave, un frêle olivier stérile et triste. Mes fruits ont pour noyaux les mêmes pierres qui servent à noyer les méchants loups. Je m'enracinais au creux du bassin, l'écorce emprisonnait mes hanches. J'étais pour y mourir sans me débattre, sans chercher à respirer, mais on m'a déffriché.

Hors de l'eau, mou comme une algue, j'ai senti les lèvres d'une femme se poser sur moi, douces comme le plumage des oies au mois de mai. Cette samaritaine, elle m'a aimé trop fort.

Depuis qu'elle n'est plus là, le fond, je le cherche. J'y retourne par moi-même. J'y passe le plus de temps possible dans l'attente que ma belle me tire hors de l'eau. Au moment où mon souffle est sur le point de s'éteindre, je ressens toujours cette sensation d'une pureté inégalable. Même si je suis à quelques secondes de mourir, c'est une impression de renaissance qui s'empare de moi. Comme un foetus le dernier jour du neuvième mois, je m'élance vers la lumière avant de suffoquer. À cet instant précis où m'étrangle la brûlure de l'oxygène, à partir de cette fraction de seconde où la vie s'injecte en moi, toute cette eau qui aurait dû m'étouffer se transforme en la plus violente des cascades, en rapides létales, en rivière polluée de peine. C'est le delta lacrimogène de ces souvenirs de nous qui se déverse dans le golfe que même la solitude a déserté.

mercredi 26 août 2015

Duane dans Annie Hall

Faisait un criss de bout que j'avais pas eu envie d'me faire du mal
Faudrait des tites pullules pour m'empêcher de capoter avec ça
Des tites pullules pour pas que j'caliss mon char full pine en sens inverse.
Ce serait marqué ça sur le pot, parce que je vis une grave situation.
Fuck all écrit rien depuis avril pis encore là les derniers textes disent toute la même affaire
Bah ouais je vis une grave situation. Trisse trisse, trisse en criss.
Ça fini tout le temps que j't'après compter mon change voir si je n'aurais pas assez pour m'acheter un paquet d'cloppes avant d'péter au frette. Être peintre j'te ferais des esquisses de fond de poche, des croquis de gencives qui saignent, des musées remplis avec des copies d'une peinture du musée rempli de copies de peinture de musée.
J'aurais pas assez d'idées pour te faire autre chose. Pas tu suite en tout cas, faudrait j'y pense, faudrait j'm'injecte une couple de shots de jameson dans l'fond d'la gorge, guérir mes amygdales avec des jus corrosifs de vieille tinque à fort de fond de frigidaire, faudrait j'fume des bats jusqu'à temps que j'vomisse d'la boucane.
Là j'te dis j'regardrais la lune longtemps, assis dans l'noir dans mon char qui pue. J'irais gratter ma guit un peu pis j'trouverais rien d'intéressant, j'enregistrerais ma voix en double pis j'la pannerais d'un bord pis d'l'autre j'me prendrais pour Elliott Smith pis un peu Nick Drake, j'me prendrais pour un osti de grand artiste, j'continuerais à croire que j'ai de l'avenir dans le monde de l'auto-esclavagisme.
Après toute ça, j'm'avouerais que la raison pour laquelle j'suis dans cet état là pour commencer c'est parce que j'ai scrappé ma vie en te mentant. Je vis une grave situation pis c'est vraiment d'ma faute en esti. D'valeur que j'aille trop peur de me manquer.

vendredi 13 février 2015

Douce

Où est passé cette lumière
Celle qui habitait au fond des tes yeux
Celle dont tu m'as fait cadeau
La fois qu'on a pris des photos de nous
Dans l'herbe haute au bord de l'eau
Le soleil tapait sur ta douceur
Sur tes épaules tachées de rousseur
Ce moment c'était le plus simple des moments
C'est maintenant que je comprends à quel point j'étais heureux
Quand je retrouve dans mon appartement
Quelques mèches de tes si beaux cheveux.

jeudi 6 novembre 2014

Gimme Danger

Oh angel sexy angel my love baby girl blondie pulp tattoo lady sur le lit, coupe ma main lèche le sang sur le plancher. Ça te nourrira pendant le temps voulu. Je te donnerai mes galles à croquer, pliées comme des biscuits chinois. On prendra des photos de mon moignon à chaque jour voir comme il reste laid au fil du temps.
Ça ne m'empêchera pas de chanter, de me rouler en chest sur des bouteilles bières concassées.
Quand j'suis gentil trop longtemps ça m'rend fou. Je ne sais plus si je suis une fille ou un garçon.
Le sexe, le suicide, jouer de la guitare en souriant, la dépendance.
Refuser de dépendre et refuser de refuser de dépendre.
Dépenser tout son argent pour acheter des cigarettes. Payer le loyer en rouleaux de change qui manque des cennes dedans.

samedi 4 octobre 2014

Les brûlures de froid

T'as manqué notre slow.
T'étais j'sais pas où avec j'sais pas qui mais t'étais pas là.
C'tait un rêve que j'essayais déjà de ne plus rêver. C'tait un rêve bouillant, plus aride que tous tes criss de pays chauds.
J'dansais tout seul sous la boule disco pis j'regardais les autres s'aimer, plus tranquillement que ce que le mot tranquillement peut s'permettre de vouloir signifier en terme tranquillité. On parle ici de qualité exceptionnelle de tranquille. Une paix si forte qu'elle devenait sans le vouloir beaucoup plus douloureuse que toutes les guerres.
Et tout semblait s'additionner, les coups de coeurs en contretemps, mes trop nombreuses syncopes nocturnes. Ne penser qu'à toi pendant que mes organes meurent. J'me sentais fondre en goudron comme une toppe au soleil pis j'aimais ça sentir la marde de gars tout seul envahir mon espace parce que pourquoi laver tout ça quand dans l'fond ma marde dérange personne même pas moi j'suis crotté comme d'la chiasse mais m'dérange pas y'a personne pour me sentir pis m'dire que j'devrais donc m'laver j'sens l'criss c'est quasiment gênant.
Faque j'm'enfonce dans mes regrets. D'être tombé sur la défensive. Avoir pensé que peut-être que, que peut-être ci que peut-être ça, que peut-être oui que peut-être pas.
J'voudrais juste oublier que j'étais avec personne ce soir là quand la toune est partie. Pis que j'ai regardé le ciel en m'disant que c'était pour toi et moi ce moment là. Pas pour moi et toi.
J'm'ennuie de partager même si ça m'arrive jamais d'avoir le feeling que c'est nécessaire. M'en caliss du monde, j'ai rien à vous dire. Mais toi t'es pas du monde.

J't'aurais dansé ça les hanches pognées dans l'écorce, le coeur qu'y'essait de s'déprendre de son cocon de cholestérol.
Partir voler sur tes grandes ailes, jusque trop haut dans l'vent si fort, frette, là où la grêle a pas encore fondu. Soudain, aveugle. C'est la neige brûlante de l'amour qui m'a frosté din cils.
Tu m'as tombé dans l'oeil plus fort que la plus maudites des poussières.
Pis j'comprends pas encore pourquoi les brûlures de froid font toujours plus mal que les brûlures de chaud.

vendredi 19 septembre 2014

Lazuli

La plus grande tristesse de ne pas s'aimer soi-même, c'est souvent de ressentir un amour utopique pour ceux qu'on voudrait être.

vendredi 15 août 2014

Du sirop pour mon rhume

La musique a débouché mon nez comme un sirop pour le rhume.
J'étais assis, première rangée, la table juste en avant des caisses de sons. Le chanteur avait pesé sur le piano, tout doucement. Mon mal était parti, mes reniflements, mes joues pluvieuses avaient séchées, prises par le vent des rumeurs. Il chantait comme un vieux disque, il se balançait sur son banc de bois en pressant ses pieds sur les pédales. Il laissait résonner le son plus loin que ce que la grange pouvait se permettre de résonances. Ça coûtait cher d'écho, on manquerait de sustain avant la fin de l'hiver mais au moins on aurait un belle sourdine neuve pour couper la note, une fois la fin venue.
Il chantait comme un vieux disque, plein de poussière en plus. Sa voix cassait comme de la porcelaine au plancher. Elle coupait la mousse de ma bière, elle dévissait lentement les visses qui rattachaient les poutres de la bâtisse ensemble. Tout aurait pu s'effondrer, en pleine campagne, personne n'aurait entendu et ç'aurait été parfait comme ça. Nous aurions pu mourir heureux d'avoir été les derniers à entendre la voix de cet ange morose et à voir les soubresauts intraveineux du folk lui sortir des doigts, lui donner cette agilité à passer d'une corde à l'autre par dessus la caisse usée de sa guitare, tout en chantant nombre de mots.
J'aurais tout donné pour qu'il soit bientôt voisin, l'entendre jouer la nuit, mon corps collé au mur pour faire l'amour aux vibrations. Sentir les basses du piano me chatouiller le bout du nez. Finalement m'endormir dos à dos avec les ondes, dans la chaleur et la sueur de la joie.
Depuis, j'ai compris que si je pouvais un jour être amoureux de nouveau, ce serait avec cette musique et rien d'autre.