mercredi 8 août 2012

Mercredi et la ville dortoir

Adossé contre une brique coupante, Mercredi reniflait l'humidité du fleuve et l'odeur des vidanges. La ville dortoir n'étant jamais complètement silencieuse, difficile de vraiment se reposer. Le grésillement constant des lignes électriques lui chatouillait les tympans, en plus du vent qui lui balayait les cils. Derrière la bâtisse du dépanneur, un vieux conteneur à déchet faisait office de repère pour Mercredi qui finissait son chocolat chaud, regrettant toutes sortes de décisions, notamment celle d'avoir prit ce chocolat chaud à une telle température. Le ciel se remplissait d'orages, les nuages se trempaient comme des biscuits pleins de lait, ils devenaient de plus en plus imposants, de plus en plus lourds, de plus en plus bas. On aurait dit qu'ils allaient tomber à tout moment, comme le biscuit trop trempé, en garnotte dans le fond du verre. Mercredi se grattait le dos sur la brique effilée du dépanneur, regardant la tempête l'écraser comme un char d’assaut. Un grand char d'assaut gris foncé, au moteur puissant et indestructible, bruyant comme des voyous. Le char avançait et Mercredi s'étouffait avec son tabac trop fort.

Il rêvait d'une lampe de bureau, de fumer dans l'éclat de la lampe, de voir les poussières s'illuminer par dessus l'ampoule fatiguée. Il rêvait d'écouter un disque pour un instant, un 45 tours, cette chanson qu'il avait entendu le matin même, dans la radio d'une vieille roulotte stationnée à la station service. Une femme se massait les cuisses dans le siège passager et elle suait abondamment, comme si le conducteur venait tout juste de lui faire l'amour. La chanson terminée, ils repartirent tout deux vers le sud, et jamais plus Mercredi ne revu cette roulotte, jamais plus Mercredi n'entendit cette chanson.

L'orage menaçait la ville dortoir, les enfants à l'heure du coucher restaient éveillés pour observer les éclairs, loin loin loin dans le ciel barbu. Ces enfants, à la fenêtre de leur berceaux, regardaient Mercredi l'air affamé, comme tous les enfants regardent les plus grands. Ils sont prêts à vieillir, prêts à nous manger.

La pluie tomba longtemps ce soir là. Dans la tête de Mercredi, on pouvait entendre des sons électroniques et une voix handicapée répéter les mêmes murmures pendant des centaines de minutes au moins. Il pensait aux albums de famille qui flottaient dans les sous-sols inondés, ces souvenirs érodés comme la soif des lecteurs grafignés de vers.