mercredi 27 janvier 2010

Freebird


En arrière du blé, y'a une caravane en panne, un feu brûlé depuis des heures, le vent qui fait rougir les braises, l'odeur du bois parti en fumée, et celle de d'un vieux cigare sorti d'une boîte de métal rouillée où de vieux souvenirs se cachent, s'incrustant dans les habanos pour être réduits en cendre, pour passer dans le réel, se faire semer dans l'herbe et récolter un peu plus tard sous un nouveau nom. Le soleil frappe sur la caravane et elle déteint sur le champ, périt en même temps que la région à mesure que la journée avance, à mesure que le blé pousse. Une vieille radio griche quelques notes suddistes qui tiennent éveillés ceux qui les entendent. «If I stay with you, girl, things just couldn't be the same... cause I am free as a bird now, and this bird you cannot change...Lord knows I can't change...» En dessous d'un chapeau de cuir nage une chevelure ambre, courbant comme la brise a bien voulu la coiffer, elle ondule et tombe sur d'humides seins transpirant érotisme et fraîcheur, cachés par une mince camisole rouge puis par l'ombre d'une guitare éclatante, métallique, qui accompagne la vieille radio. Sous l'instrument se croisent de douces jambes aux nus pieds métronomes. «Won't you fly, freebird? Yeah..»

À grandes glissades de tuyau sur la voie lactée de ses cordes, elle laisse sonner ses sentiments pour sa patrie, elle chante les mélodies de son enfance et les chaudes balades d'été, elle frise l'herbe haute, rompt le silence de la vallée, avale à la brunante tout espoir pour le recracher dans la figure du ciel, par une simple glissade métallique, un thème à faire bouger les astres, à les classer selon sa clef, dans une portée de galaxies, en haut du drapeau coché, sur le toit étoilé d'une Alabama gitane.

Miranda lève les yeux, elle perce le champ et croise mon regard. Elle prend une bouffée de son cigare, dépose sa guitare et enlève sa camisole. Toujours me liant les yeux aux siens, elle entre dans sa caravane. Je la suis, dans une marche d'impudeur, dans ce monde dépravé qui est devenu nôtre, en cet instant révolution, en ce moment libertin, dans mon confort, dans mon rien, pour enfin entrer dans le sien, et en créer un autre, né dans le plus beau des déserts.


À nous la génération
À nous l'Amérique
L'existence pervertissons
À nous le Nouveau-Mexique


Chaude caravane
D'où respire vraiment l'Amérique
Au centre du continent
À chaque fois que renaît la musique.