samedi 28 décembre 2013

Nebraska


J'ai joué quelques chansons assis sur mon fauteuil, j'ai chanté tous les mots comme il le fallait, d'un trait et sans recommencer, laissant vivre les défauts, les imperfections, car je sais qu'au fond c'est très charmant. Ce sont de récentes compositions, même si la musique n'a rien de nouveau, rien d'avant-gardiste. Ce sont des mélodies qui furent peut-être déjà pensées, entendues même. Ça ne m'affecte pas parce que ce sont les bonnes, celles qui vont de paire avec les accords sur lesquels elles se couchent. C'est un couple que j'ai réuni après que plusieurs aient tenté de le séparer. C'est un couple simple, naturel, comme des amis de longue date qui s'embrassent pour la deuxième fois. Tout comme la première fois, it seems so right. La seule différence réside en ce soulagement d'enfin recommencer.
J'ai tout enregistré sur un film qui tournait silencieusement dans sa machine. J'ai réécouté mes chansons et ça m'a fait pleurer parce que je sais que jamais je ne pourrai les rejouer comme je l'ai fait durant ces instants précieux, captés sous le crépitement de la bobine.

mardi 17 décembre 2013

Le vieil amour


Toi ma torture intraveineuse
Doux antidote fugitif
Mon temporaire amour
Trouble lointain intermittent

On t'a saucé dans l'éphémère
T'a peint d'une fugacité
Sur des couleurs instables
Tu chutes en de très beaux lapsus

Tu passes par les faux-fuyants
Où sont sifflées les chanterelles
Si tu pouvais partir d'ici
T'irais sur une exoplanète

J'ai levé toutes les percalines
J'aurai tourné toutes les pages
Jusqu'à épreindre ma mémoire
Ne cessant de t'imaginer

Pour que tu ne puisses disparaître
Penser à toi jusqu'à me perdre
Jusqu'à briser mon coeur gélif
Qui dans le froid s'est laissé prendre

Une fesse une fesse


Je suis sur un viaduc perpendiculaire aux vents. C'est souvent comme ça, les camions passent sous mes pieds. Ils tirent des cargaisons de boîtes, des meubles, des chaises sur lesquelles personne ne s'est encore assis. Des animaux qui s'en vont mourir, des animaux qui s'en vont tout court pis des animaux emballés genre du jambon à l'érable. Peu importe ce qu'ils tirent dans leur ventre, ces camions là ils tirent aussi le vent. Ils percent la couche d'air froid, compacte mais fragile comme une vitre givrée et mon poing qui se coupe en la cassant parce que j'suis fâché. C'est une masse qu'on peut sentir, tu sais, quand ça sent l'hiver, on le sait tous que ça nous rend tristes. Nous sommes tous tristes et c'est pour ça que nous nous rassemblons. Il fait bon d'être tristes ensemble, ça nous rend heureux et on se garroche des pintes de bières dessus nous sommes mouillés et soûls j'adore nous voir dans le miroir derrière le bar, échevelés écrasés sur les tabourets, les pieds qui puent les manteaux qui sèchent et nos nez rougis les lueurs de chandelle qui éclairent notre morve. C'est formidable, je nous aime lorsque nous sommes ainsi.
Je suis sur le viaduc perpendiculaire au vent. Les camions tirent et je reçois la draft en plein visage. Je suis certain que vous avez déjà pensé à quel point le froid le plus froid se rapproche du chaud le plus chaud. C'est une brûlure. La seule différence c'est son odeur.
Pendant que j'ouvrais la bouche pour chanter, ma joue s'est fendue comme un glaçon dans une soupe lipton. Elle faisait le pare-brise depuis que j'étais descendu de l'autobus. J'avais chanté c'était de trop. Une harmonie haute et puissante, sur le pont de l'autoroute, là où personne ne peut entendre toute la beauté de mes syllabes. Je veux chanter toujours tout le temps même quand je marche dans la rue, près des maisons des gens qui dorment, qui vivent le jour quand moi je dors. Je veux chanter de tout mon corps, faisant des gestes comme les vieux chanteurs pour illustrer ce que je chante avec mes mains comme quand je les mets sur mon coeur en chantant je t'aime. Ça illustre l'amour que j'ai chanté, je suis sur que vous comprenez. Je tends mes mains vers la lune je lui parle de cette femme qui m'a blessé que j'ai blessé que je ne semble plus connaître ça fait longtemps que nous nous sommes aperçus. Je chante en regardant le ciel comme si c'était elle, comme si un satellite pouvait lui transmettre tout mon ennui et mon désespoir de lui parler, comme si elle ne dormait pas. Je suis quétaine. Nous sommes si différents.

J'ai de la neige jusqu'aux genoux je gèle et encore j'ai hâte d'être loin d'ici. J'aimerais qu'une nouvelle femme me garroche une pinte de bière. J'aimerais qu'elle soit si différente des autres femmes qu'elle me fasse oublier que je m'ennuie. J'aimerais qu'elle soit assise tout près de moi ou sur le même tabouret, une fesse une fesse on serait ensemble, inconfortables mais ça ferait rien, on s'engourdirait pour oublier qu'on a mal dans la craque et à cet instant on s'en foutterait parce que c'est ce qu'on aurait voulu depuis longtemps. Je sais que c'est bien ce que je veux, je veux m'asseoir tellement mal pour être si bien en même temps. On pourrait débouler les escaliers et rire en bas, faire des anges de Noël dans nos flaques de sang. On pourrait le recueillir pour peinturer, ce rouge est un si beau pigment.

vendredi 27 septembre 2013

Comme si t'étais encore là

Ta peau, c'est doux.
C'est chaud mais un bon chaud. Pas un chaud de fièvre, un chaud de feu. Mettons à cinq six pied d'un feu. C'te chaud là. Le chaud quand tu rentres au chalet, pis qu'les néons t'aveuglent un peu, ça t'fait voir vert ça t'fait voir croche. Chaud comme un fond d'shooter de fort, au creux d'un ventre couché su'l dos. Pis ta p'tite laine aussi est douce. Pis tes cheveux qui sentent la fraise, j'les sent d'icitte pis ça m'fait d'quoi. Ça cache l'odeur d'humidité, dans mon sous-sol plein de poussière. Tu laisses tout ça sur l'oreiller, quand tu t'en vas j'peux m'y coucher. Sentir que t'es p't-être pas si loin, perdu dans mon rêve éveillé.

C'pour ça que j'pense qu't'es encore là. T'es tout partout pis j'comprends pas. Comment ça s'fait qu'j'peux toffer ça. J'parle comme si t'étais encore là.

jeudi 19 septembre 2013

La p'tite Sara du bout du rang


C'était pétrifiant. L'air du dehors.
Après des mois d'enfermement et d'auto-séquestration, respirer c'était une douleur dont je commençais à oublier la sensation. J'étais finalement sorti d'un trait, en panique, réalisant le nombre de secondes qui s'étaient écoulées depuis que j'm'étais mis à arrêter d'exister. Le vent m'agrippait par le cou pis je sentais la rudesse de ses gants me grafigner la peau. C'était presque comme Darth Vader. J'comprenais rien.
En haut la lune me flashait ses hautes, l'Étoile noire mais blanche tsé.
Je m'étais parti une cassette de tounes tranquilles, une des premières de Bob Dylan, pis je marchais vers la grand route voir si le monde avait changé.
Aller s'promener si tard dans le village c'était comme être le seul insomniaque d'un grand dortoir. J'étais errant, j'étais tout seul.

À gauche, les bouées clignotaient vraiment pas fort, juste assez claires pour qu'on les voie mais pas trop vives, qu'on s'aveugle pas. À droite s'étaient encrées toutes les chaumières, face à la mer qui s'endormait. Tout ce que j'entendais c'était le ronflement des camions qui réchauffaient sur la traverse, les chuchotements de la marée, l'harmonica du vieux Sam qui restait sur l'second rang derrière le dépanneur.

Arrivé au bout d'la principale j'voyais pu rien j'entrais dans l'bois. M'restait pu rien que l'bungalow à p'tite Sara avant d'me perdre en caribou. Sur le côté de la maison y'avait une f'nêtre et sa lueur, une veilleuse sur la forêt, l'entrée des monts c'était par là.
Comme en souvenir, c'était pareille.
La p'tite Sara c'était ma blonde avant tout ça, avant que j'sèche dans mon salon les stores fermés sans voir le monde. Enfin sorti, et sans vraiment savoir pourquoi, j'étais là, devant chez elle, blanc comme un drap dans la nuit noire.

Dans la fenêtre y'avait sa chambre. Je la voyais dans un miroir.
Elle était belle et j'étais bien. Elle était nue comme en souvenir, en beaucoup mieux faudrait le dire. J'étais ému par sa candeur, mes yeux coulaient à cause du froid. Elle semblait chaude et confortable, prête pour l'amour et la passion. Elle se leva, alla s'asseoir, sur une chaise tout près de là.
J'avais envie d'aller cogner, prendre un caillou, le lui lancer, à sa fenêtre la déranger pour une danse de quelques pas.
J'avais envie de lui écrire, de longs textes plates, des paragraphes, de courts poèmes, des acrostiches, des mots quétaines sur une ardoise, jusqu'à ce que fêle ma plume, jusqu'à ce que meurent mes doigts.
J'aurais écrit tout un recueil de belles histoires où elle et moi, dans la prairie, on se s'rait fait des p'tits enfants.
Je jetterais tous mes avoirs, me redonnerais un brin de vie, me r'voir vivant une couple de fois. Y'est ben trop tard apparemment.
Y'a que Sara avait un chum, un beau grand brun, avec d'la gueule.
Faque en bout d'ligne, juste devant l'bois, j'étais errant, j'étais tout seul.

jeudi 12 septembre 2013

Celle en arrière de la Maison


Je me camoufle dans la craque du bonheur. Une limbe une crevasse. Une affaire creuse.

C'est long longtemps quand tu t'rends là. Une longitude dans l'mauvais sens du mot. Dans l'pas bon sens. Contresens, l'affaire à l'envers, l'affaire comme moi. Je suis un wrong way paqueté plein d'chars, je ne lisais plus les pancartes. J'avais une hache de plantée. Plantée dans tête. Une semence cervicale qui grandissait en arbre en fleurs en pollinisation en piqûre de bibitte abeille. C'était une grandissure, une enflure un fruit une prune sacrée une sacrée prune. Une colonie de rouge bouillant comme j'ai déjà pu l'expliquer dans d'autres poèmes. Rouge bouillant tsé le goudron sanguin l'essence en flammes les sens en femmes l'encens en l'âme qui se projette sur les murs de l'église la cage thoracique les saints les saintes l'essaim de bulles dans la bouilloire de mes veines. Ça fait ben trop d'mots pour tout comprendre.

Je t'expliquerais en t'allumant. Toi aussi, vierge de tout le mal qui règne en moi. Jeune de l'amour qui crie en toi. Née d'une banque de moments d'une souvenance et d'un répit. Celui quand je me satisfais. Quand je m'érode les neurones, à râteler les fonds de poussière, qui couvrent mes idées amères, du long soleil qui perce mes vues, qui change les scènes du métrage, qui me projètent sans me guider, qui m'étincellent émancipées, en un système organisé de peine, d'étranges honnêtetés.

Alors au ciel le seul crochet, c'est celui d'où pend la p'tite maison. Celle où ça parle devant l'perron. Où riment les conversations de ceux qui rêvent de leur partie. Au bord du lac des étendus, là où s'affaissent les brûlures, y'a la Grosse Femme qui sommeille. Pis Albertine. Y'a Josaphat pis la Victoire, qui s'aiment couchés sur le balcon, pour une demi-heure et quelques actes.

Derrière tout ça y'a un violon, les bras d'une femme qui me consume.
Qui joue les airs de mon enfance, qui m'étourdit à bout portant, et je m'enfonce dans l'endormi. C'était la mère de mes enfants. Des kids qu'on avait fabriqué. On s'étreignait à la brunante, pis pas mal plus que d'in chansons.
Une p'tite couverte pour mes vieux os, une douce peau où la nuit passe, j'envie tout ceux qui la regardent quand sa sensible rejoint le ton.

mardi 3 septembre 2013

Mon rêve avec des planètes dedans

C'est une perche qui m'accroche dans le volatile. Un bouquet de soupirs en congé, une semence qui s'inonde pour mieux émerger de la submestranse qui la couvait. Galilée sti d'perchoir, graffite le mur dans la cour de récré. Écris des poésies pas de ton temps pour t'en souvenir comme je m'en souviens. Des vieilles criss d'histoires de grand-papas. Donne leur de l'importance tu sais ces hommes ont éjaculé nos mères ils ont quelque chose à dire. Ce qu'ils diront, les crouleurs de mélanine, les shop-vac à peppermints, les forgerons de couteaux suisses, note-le bien dans ce calepin. Apprends-les par coeur, par ventre, par deux fois, par la bande, par ci par là, apprends-les, paresseux. Et propage-toi. Disperse-toi. Émancipe-toi. Volatilise-toi. Explose-toi. Tu es un gaz presque poison, un spectre étourdi qui calme les temps, qui dose les cuves de misère.