samedi 11 janvier 2014

Reviens ma douce


Je sais quel bien réside en cet espoir que j'ai de te retrouver. J'ai pu goûter à ce sentiment de revenir en vie. J'ai touché un instant à cet amour intemporel.
Je l'ai gaspillé.
Je sais que te revoir me sauverait la vie. J'ai peut-être eu l'esprit bien las pendant quelques temps, mais même après toutes ces années, je peux dire avec certitude et sincérité que si tu restes hors de ma vie c'est que vraiment le bonheur est derrière moi.
Jamais mon coeur, dans cet état, pourrait laisser entrer quelqu'un. La chambre est peut-être réellement vide, mais tu es encore là. T'es sur les murs, les cadres et les peintures, dans toutes mes notes de musique, t'es dans chaque bon repas, dans tous les maudits films d'amour.
Je pense toujours à toi. Reviens ma douce, reviens doucement.

dimanche 5 janvier 2014

Cleveland


J'ai pris ma femme dans mes bras
Fort comme à ma dernière heure
La foule faisait lever le sable
La poudre sous les projecteurs
Tout était flou même le tableau indicateur
Les chiffres clairs dans les nuages
Sous le tonnerre, les confettis
La télé rejouait les images
Celles du plus beau jour de ma vie
Parmi les fous sur le terrain
Riaient beaucoup de mes amis
Ceux qui ont joué pour les indiens
Ceux qui comme moi ont tout donné
Pour à jamais graver l'histoire
Pointant le ciel, un doigt levé
Criant Cleveland c'est la victoire
Cleveland nous l'avons remporté.

samedi 28 décembre 2013

Nebraska


J'ai joué quelques chansons assis sur mon fauteuil, j'ai chanté tous les mots comme il le fallait, d'un trait et sans recommencer, laissant vivre les défauts, les imperfections, car je sais qu'au fond c'est très charmant. Ce sont de récentes compositions, même si la musique n'a rien de nouveau, rien d'avant-gardiste. Ce sont des mélodies qui furent peut-être déjà pensées, entendues même. Ça ne m'affecte pas parce que ce sont les bonnes, celles qui vont de paire avec les accords sur lesquels elles se couchent. C'est un couple que j'ai réuni après que plusieurs aient tenté de le séparer. C'est un couple simple, naturel, comme des amis de longue date qui s'embrassent pour la deuxième fois. Tout comme la première fois, it seems so right. La seule différence réside en ce soulagement d'enfin recommencer.
J'ai tout enregistré sur un film qui tournait silencieusement dans sa machine. J'ai réécouté mes chansons et ça m'a fait pleurer parce que je sais que jamais je ne pourrai les rejouer comme je l'ai fait durant ces instants précieux, captés sous le crépitement de la bobine.

mardi 17 décembre 2013

Le vieil amour


Toi ma torture intraveineuse
Doux antidote fugitif
Mon temporaire amour
Trouble lointain intermittent

On t'a saucé dans l'éphémère
T'a peint d'une fugacité
Sur des couleurs instables
Tu chutes en de très beaux lapsus

Tu passes par les faux-fuyants
Où sont sifflées les chanterelles
Si tu pouvais partir d'ici
T'irais sur une exoplanète

J'ai levé toutes les percalines
J'aurai tourné toutes les pages
Jusqu'à épreindre ma mémoire
Ne cessant de t'imaginer

Pour que tu ne puisses disparaître
Penser à toi jusqu'à me perdre
Jusqu'à briser mon coeur gélif
Qui dans le froid s'est laissé prendre

Une fesse une fesse


Je suis sur un viaduc perpendiculaire aux vents. C'est souvent comme ça, les camions passent sous mes pieds. Ils tirent des cargaisons de boîtes, des meubles, des chaises sur lesquelles personne ne s'est encore assis. Des animaux qui s'en vont mourir, des animaux qui s'en vont tout court pis des animaux emballés genre du jambon à l'érable. Peu importe ce qu'ils tirent dans leur ventre, ces camions là ils tirent aussi le vent. Ils percent la couche d'air froid, compacte mais fragile comme une vitre givrée et mon poing qui se coupe en la cassant parce que j'suis fâché. C'est une masse qu'on peut sentir, tu sais, quand ça sent l'hiver, on le sait tous que ça nous rend tristes. Nous sommes tous tristes et c'est pour ça que nous nous rassemblons. Il fait bon d'être tristes ensemble, ça nous rend heureux et on se garroche des pintes de bières dessus nous sommes mouillés et soûls j'adore nous voir dans le miroir derrière le bar, échevelés écrasés sur les tabourets, les pieds qui puent les manteaux qui sèchent et nos nez rougis les lueurs de chandelle qui éclairent notre morve. C'est formidable, je nous aime lorsque nous sommes ainsi.
Je suis sur le viaduc perpendiculaire au vent. Les camions tirent et je reçois la draft en plein visage. Je suis certain que vous avez déjà pensé à quel point le froid le plus froid se rapproche du chaud le plus chaud. C'est une brûlure. La seule différence c'est son odeur.
Pendant que j'ouvrais la bouche pour chanter, ma joue s'est fendue comme un glaçon dans une soupe lipton. Elle faisait le pare-brise depuis que j'étais descendu de l'autobus. J'avais chanté c'était de trop. Une harmonie haute et puissante, sur le pont de l'autoroute, là où personne ne peut entendre toute la beauté de mes syllabes. Je veux chanter toujours tout le temps même quand je marche dans la rue, près des maisons des gens qui dorment, qui vivent le jour quand moi je dors. Je veux chanter de tout mon corps, faisant des gestes comme les vieux chanteurs pour illustrer ce que je chante avec mes mains comme quand je les mets sur mon coeur en chantant je t'aime. Ça illustre l'amour que j'ai chanté, je suis sur que vous comprenez. Je tends mes mains vers la lune je lui parle de cette femme qui m'a blessé que j'ai blessé que je ne semble plus connaître ça fait longtemps que nous nous sommes aperçus. Je chante en regardant le ciel comme si c'était elle, comme si un satellite pouvait lui transmettre tout mon ennui et mon désespoir de lui parler, comme si elle ne dormait pas. Je suis quétaine. Nous sommes si différents.

J'ai de la neige jusqu'aux genoux je gèle et encore j'ai hâte d'être loin d'ici. J'aimerais qu'une nouvelle femme me garroche une pinte de bière. J'aimerais qu'elle soit si différente des autres femmes qu'elle me fasse oublier que je m'ennuie. J'aimerais qu'elle soit assise tout près de moi ou sur le même tabouret, une fesse une fesse on serait ensemble, inconfortables mais ça ferait rien, on s'engourdirait pour oublier qu'on a mal dans la craque et à cet instant on s'en foutterait parce que c'est ce qu'on aurait voulu depuis longtemps. Je sais que c'est bien ce que je veux, je veux m'asseoir tellement mal pour être si bien en même temps. On pourrait débouler les escaliers et rire en bas, faire des anges de Noël dans nos flaques de sang. On pourrait le recueillir pour peinturer, ce rouge est un si beau pigment.

vendredi 27 septembre 2013

Comme si t'étais encore là

Ta peau, c'est doux.
C'est chaud mais un bon chaud. Pas un chaud de fièvre, un chaud de feu. Mettons à cinq six pied d'un feu. C'te chaud là. Le chaud quand tu rentres au chalet, pis qu'les néons t'aveuglent un peu, ça t'fait voir vert ça t'fait voir croche. Chaud comme un fond d'shooter de fort, au creux d'un ventre couché su'l dos. Pis ta p'tite laine aussi est douce. Pis tes cheveux qui sentent la fraise, j'les sent d'icitte pis ça m'fait d'quoi. Ça cache l'odeur d'humidité, dans mon sous-sol plein de poussière. Tu laisses tout ça sur l'oreiller, quand tu t'en vas j'peux m'y coucher. Sentir que t'es p't-être pas si loin, perdu dans mon rêve éveillé.

C'pour ça que j'pense qu't'es encore là. T'es tout partout pis j'comprends pas. Comment ça s'fait qu'j'peux toffer ça. J'parle comme si t'étais encore là.

jeudi 19 septembre 2013

La p'tite Sara du bout du rang


C'était pétrifiant. L'air du dehors.
Après des mois d'enfermement et d'auto-séquestration, respirer c'était une douleur dont je commençais à oublier la sensation. J'étais finalement sorti d'un trait, en panique, réalisant le nombre de secondes qui s'étaient écoulées depuis que j'm'étais mis à arrêter d'exister. Le vent m'agrippait par le cou pis je sentais la rudesse de ses gants me grafigner la peau. C'était presque comme Darth Vader. J'comprenais rien.
En haut la lune me flashait ses hautes, l'Étoile noire mais blanche tsé.
Je m'étais parti une cassette de tounes tranquilles, une des premières de Bob Dylan, pis je marchais vers la grand route voir si le monde avait changé.
Aller s'promener si tard dans le village c'était comme être le seul insomniaque d'un grand dortoir. J'étais errant, j'étais tout seul.

À gauche, les bouées clignotaient vraiment pas fort, juste assez claires pour qu'on les voie mais pas trop vives, qu'on s'aveugle pas. À droite s'étaient encrées toutes les chaumières, face à la mer qui s'endormait. Tout ce que j'entendais c'était le ronflement des camions qui réchauffaient sur la traverse, les chuchotements de la marée, l'harmonica du vieux Sam qui restait sur l'second rang derrière le dépanneur.

Arrivé au bout d'la principale j'voyais pu rien j'entrais dans l'bois. M'restait pu rien que l'bungalow à p'tite Sara avant d'me perdre en caribou. Sur le côté de la maison y'avait une f'nêtre et sa lueur, une veilleuse sur la forêt, l'entrée des monts c'était par là.
Comme en souvenir, c'était pareille.
La p'tite Sara c'était ma blonde avant tout ça, avant que j'sèche dans mon salon les stores fermés sans voir le monde. Enfin sorti, et sans vraiment savoir pourquoi, j'étais là, devant chez elle, blanc comme un drap dans la nuit noire.

Dans la fenêtre y'avait sa chambre. Je la voyais dans un miroir.
Elle était belle et j'étais bien. Elle était nue comme en souvenir, en beaucoup mieux faudrait le dire. J'étais ému par sa candeur, mes yeux coulaient à cause du froid. Elle semblait chaude et confortable, prête pour l'amour et la passion. Elle se leva, alla s'asseoir, sur une chaise tout près de là.
J'avais envie d'aller cogner, prendre un caillou, le lui lancer, à sa fenêtre la déranger pour une danse de quelques pas.
J'avais envie de lui écrire, de longs textes plates, des paragraphes, de courts poèmes, des acrostiches, des mots quétaines sur une ardoise, jusqu'à ce que fêle ma plume, jusqu'à ce que meurent mes doigts.
J'aurais écrit tout un recueil de belles histoires où elle et moi, dans la prairie, on se s'rait fait des p'tits enfants.
Je jetterais tous mes avoirs, me redonnerais un brin de vie, me r'voir vivant une couple de fois. Y'est ben trop tard apparemment.
Y'a que Sara avait un chum, un beau grand brun, avec d'la gueule.
Faque en bout d'ligne, juste devant l'bois, j'étais errant, j'étais tout seul.