Tu lis ces mots ou tu les liras peut-être demain. Je te les écris très tôt, un matin noir foncé, froid, quasiment frette, la pipe à la main, confortablement installé dans le creux de mon fauteuil de cuir usé, chemise de nuit et pantoufles aux pieds. C'est janvier, le givre abrille le châssis du salon par lequel j'ai tranquillement regardé la ville s’endormir, la veille, pendant qu'à mon habitude je me forais la pensée à la recherche de petits trésors susceptibles de se poser, comme à l'instant, à la fin de mes phrases, sur mon papier.
J'ai une certaine fascination pour ces choses-là, tu comprendras. Les idées et le papier. Ce sont des choses qu'on ne maîtrise que rarement. On efface souvent et on recommence parfois, des oeuvres complètes ou des nouvelles ridicules, la plupart du temps médiocres. Et il arrive, des soirées mémorables, pendant lesquelles les idées fluctuent, se bâtissent entre elles, forment des paragraphes et on l'espère des pages, puis on aime ça. Écrire ça fait mal, dit-on. Les dramaturges, les démiurges de nos sous-univers, les mélomanes et les âmes perdues seraient d'accord avec moi. On aime souffrir en face des gens qui nous regardent. On souffre seul, seul avec le monde entier. Eh que ça fait donc du bien d'être triste, diront-ils, ces fantômes et ces martyres. Je n'en dirai pas autant. La passion me suffit. Cette maudite sensation d'aimer quelque chose plus fort que tout et de se sentir prêt à se sacrifier pour elle, sans rien en retour. L'inconditionnelle dévotion pour un domaine ou un art, une muse, un plaisir, une femme, c'est comme un poème de Leclerc, comme un tableau de Riopelle, on ne comprend pas toujours mais ça fait mal en dedans.
Le papier aussi, ça me fait mal en dedans. Parce que j'ai de la misère à me lire, à me faire comprendre, à comprendre ce que je fais ou ce que je voudrais faire. Mais le papier lui, peu importe, il sera toujours là pour moi. Le meilleur confident, sans bras pour m’accueillir, sans oreille pour m'écouter, sans épaule pour me soutenir, sans bouche pour m'embrasser. Mais il a l'espace. Le grand blanc, sur lequel dessiner tout ça, l'inventer, le plier, l'envoyer, le mâcher, le coller, le donner, le déchirer, le brûler, le vieillir, le sentir, le froisser, le trouer, le presque tout. Pourtant, je ne m'étais jamais imaginé finir par le vendre. Je ne comprends pas.
On vit la grosse époque, dit-on, et je n'y comprends que certaines choses. Je suis du genre idiot ou du genre rebelle. Je ne suis pas du genre fouineux ou du genre qui aime me mêler des oignions des autres. Mes oignons sont bien meilleurs, de toute façon. Je ne suis pas champion ni acteur, pas voleur ou politicien, pas pilote ni soldat, pas poltron ni mort de peur, pas brillant ni mât, pas pion ni roi. Et alors que le monde s'imagine se faire aller sur les tapis rouges, je les déroule et retourne chez moi, profiter du silence et de la musique, parfois, de l'odeur du souper qui mijote sur le poêle à bois, de la chaleur qui m'attend. Pour peindre, loin des foules et des caméras, des poignées de mains et des rues humides, loin des souris de ville, sur ma toile, des mots de bonheur et de sincérité, je préfère les champs du rat et la lumière des étoiles.
J'suis comme ça, mais ne te méprend, jamais, à penser que je régurgite de l'urbain, après mon verre de lait. C'est que la beauté d'une citée ne se trouve pas nécessairement en ses habitants, mais peut-être en la vie qu'elle leur donne. Ça bouge et ça court partout, ça danse et ça chante. La métropole est trop rapide pour moi. Elle tourne les pages plus vite que je ne les lis, elle m'essouffle et je perds des morceaux à mon histoire. J'arrive à la fin sans connaître le début et c'est toujours comme ça.
Le soleil se lèvera dans un quart d'heure, et ta mère également. Elle s'était endormie sur le divan, bordée par la radio et le dernier thème d'un smooth jazz à faire brailler les grand-pères. La bouilloire chauffe déjà l'eau du thé matinal qu'elle sirotera du bout des ses lèvres craquées. Sa toux se calmera et nous parlerons de toi, de ton nom et de ce que tu aimeras, à ton tour. Nous parlerons d'amour, nous parlerons d'hier. Nous parlerons du beau temps, puis nous parlerons d'hiver. Nous parlerons de Dylan puis nous ne parlerons plus. Nous parlerons de Miron, ensuite de Borduas. D'il était une fois.
mardi 27 décembre 2011
dimanche 27 novembre 2011
L'ivre bateau et le couteau froid

Gratte moi le cervelet, avec un râteau en métal. Écorche moi les nerfs et tords moi les cheveux, lave moi la langue et débouche mes narines. Les bulles sanguines qui s'y forment me gênent un peu, dans la mesure où tout ceci est diffusé à travers les réseaux pervers et sociaux.
JE FUME MES TRIPES ET JE FUME MES JOURNÉES. JE FUME TOUT LE TEMPS ET JE FUME POUR ME TUER.
J'ai envie que tu pisses des larves.
Scellez moi les plaintes parce que mes lignes ne répondent plus.
La folie m'emportera bientôt et j'espère qu'elle n'amènera rien avec moi.
Ni toi, ni quelconque autre objet.
Je me trompe surement, mais je pense savoir quoi faire ici.
Et c'est probablement tout sauf vivre l'heureuse prophétie, ou la providence de mes deux.
mardi 27 septembre 2011
Sa mère

J'essaye tout plein d'affaires, j'essaye d'avoir l'air fin, de progresser.
J'm'écoeure moi-même. Mes études me grugent et me prennent, me pitch de tout bord tout côté. J'les fais, pis j'sais que j'les fais pour presque rien. J'me dis que si t'es fier de moi c'est correct, j'vais continuer même si j'sais pertinemment que quand j'aurai fini, j'vais avoir un bout de papier. Rendu là, restera plus qu'à me torcher le cul avec. J'les ai abandonné l'an dernier, j'ai rien trouvé de mieux, j'y suis retourné cette année. J'trouve pas ça tant mieux. Un peu, j'ai mes chums avec moi. Mais j'sais jamais si j'aime vraiment ça.
C'est bizarre, y'a ben des choses que j'sais que j'aime vraiment.
J'aime l'odeur des saisons, j'aime le vent qui contourne mes lunettes soleil en vélo, j'aime les tapis arabes, la peau de vache sous mes pédales de guitare, les choses anciennes et celles qui sentent le vieux, j'aime le carton vieilli qui recouvre mes vinyles grafignés, j'aime m'asseoir sans bruit, j'aime les lueurs orangées, j'aime le craquement des feuilles d'automne quand je les piétine doucement, j'aime jouer de la guitare sur mon lit le moins fort possible, j'aime m'imaginer devant des centaines de visages stupéfaits, j'aime les saluer et leur dire merci, j'aime les artistes incompris, j'aime faire exprès d'être toujours différent, j'aime la peinture, le thé, j'aime l'odeur du tabac, des fois on dirait l'odeur des raisins secs, j'aime la musique espacée, le silence surtout, j'aime les grincement de portes, les fenêtres qui s’embuent, les dessins dans la buée, j'aime la neige dans mes cheveux, j'aime les films plus vrais que la vraie vie, j'aime les petits détails qui font de la vie plus qu'une bête histoire de péripéties, qui en font un livre de beauté et de moments précieux. J'aime ma famille et mes amitiés.
Cette semaine j'ai recommencé à ne plus dormir, j'sais pas ce que j'ai. Tu sais très bien que chez moi c'est maladif. Quand j'dors pas, ça va mal.
J'ai peur que ça me rattrape plus tard.
J'pense beaucoup. J'ai pas mal d'idées, de grands projets qui me rendront tous aussi pauvre les uns que les autres. Des voyages, des rêves, ouvrir un magasin de disque indépendant, ouvrir un café, un bar spectacle, j'sais pas. Partir en tournée dans une vieille van qui fera pas l'hiver. Jouer dans l'métro pour une couple de piastres, m'acheter une liqueur pis l'regretter quand y'en a pu.
Vendre mon char, acheter une guitare, une bague de fiançailles pis chanter mon amour.
Là j'écoute Vollebekk, c'est beau, pis j'pense à toi m'man. J'm'ennuie d'toi, Pis dire que tout ce temps là j'ai encore juste parlé de moi.
Garde donc ça comme j'suis pas bien. J'aurais dû fermer l'ordi, anyway y'a pas grand monde qui vont lire ça mais j'sais que toi tu vas l'faire. J'aurais dû aller m'coucher, ou t'appeler, pis t'écouter m'parler. C'est ça j'aurais dû faire.
jeudi 23 juin 2011
C'pour ça que j'la suis.

Tabarnak! Ferme donc ta yeule, calice! Pourquoi j'agis de même? Tu te demandes pourquoi j'fais ci pis ça? T'as vraiment pas d'idée, même pas une p'tite idée de rien? Tu l'sais aussi bien qu'moé! Faque arrête donc tes hosties de niaiseries, ferme la porte, pis assis toé su' ton cul deux secondes, laisse moé t'dire des vraies affaires.
Hostie j'en r'viens pas...
Écoute p'pa, chu pas fou, chu pas un christ de bum, y m'semble que j'vaux mieux que ça.
Y m'semble qu'après toute ma vie, après les années passées, y m'semble que tu pourrais tirer un meilleur jugement de ce que j'deviens.
Chu pas pour me laisser piler sué pieds! Chu pas pour me laisser parler d'même, me faire dire toutes sortes de menteries pis d'noms, par un insignifiant qui lui se les serait laissé dire! Tu m'suis tu?
Chu ton fils, t'es supposé être fier de moé. Je l'sais, j'étais un p'tit arbre, pis toé le cadre ben solide qui m'empêchait d'pousser tout croche. Mais là l'arbre y'est rendu trop grand pour le cadre. Tu comprends-tu?
Je l'sais que j'ai pas une maudite cenne, chu pauvre que l'christ, pis j'chierai pas loin c't'été avec mon p'tit change. J'va surement finir aussi à sec que la tinque à gaz de mon char. Mais j'sais que mes doigts peuvent me mener plus loin que mes jambes, pis j'sais que mes jambes peuvent me mener plus loin que mon char, pis j'sais que ma tête peut me mener plus loin que mes doigts. Chu pas fou, chu pas un christ de bum. Y m'semble que j'vaux mieux que ça.
Je l'sais que chu pas souvent par icitte. Chu souvent parti.
J'veux voir le monde, j'veux voir ailleurs. J'veux voir le sable pis l'soleil, j'veux voir ma blonde, pis la mer.
Quand même que j'décrisserais à l'autre bout du continent, tu penses-tu vraiment que j'vous oublierais, toé pis m'man? J'veux pas être fou, être un christ de bum.
Tu t'rends tu comptes que j'vaux mieux que ça?
C't'avec elle que j'veux vivre ma vie. C'est la plus belle femme du monde, c'est celle que j'aime.
J'm'en va p'pa, j'm'en va pour de bon, ben loin, pour un boutte. Moi pis elle, ben ben loin, où s'qui fait jamais frette pis qu'y pleut pas souvent. J'ai fait mes valises, sont déjà dans l'char. J'compte revenir quand j'aurai trouvé la paix. C'pour ça j'dis qu'ça va prendre un boutte.
J'avais déjà vu la mer, mais la vraie mer, 'est dans ses yeux.
C'pour ça que j'la suis.
mercredi 8 juin 2011
Ma clope dorée
dimanche 5 juin 2011
lundi 18 avril 2011
Les cierges mourants

Même si j'y crois pas.
Y'aura toujours en moi quelqu'un d'autre. D'autres moi, d'autres citoyens, des gens bien, cachés sous des rêves de veufs et de païens. Un garçon étendu dans les herbes hautes, laissant ses doigts ramper vers la douce contrée d'une hanche dévoilée, un homme grisonnant dormant dans les cheveux roux de sa femme, un chômeur nocturne au teint d'ordinateur, un musicien épuré, talentueux mais inefficace, un poète décrocheur sans crayon ni efface.
Ce soir, des cierges illuminent la pénombre qui m'empêche d'y voir clair. Je vous écrit une autre fois, sans savoir qui vraiment me lira, dans ma caverneuse chambre de bois qui un jour brûlera, enfin, je l'espère.
C'est pourtant moi, rêveur insatiable, qui ne pense qu'à la mer et à ma Jeanne. C'est pourtant moi, le sauvage, qui se baricade derrière ce mur de faussetés et de rires charitables.
J'envie le pêcheur et son départ, je jalouse le vent et la pluie car, finalement, je n'ai plus l'envie d'être ici. Un pied sur la grève et l'autre dans le fleuve, un dilemme me tracasse et me tord l'esprit. Non, je n'ai point honte de ma race, je suis en amour avec ma patrie.
Seulement, de l'autre côté du rivage, très loin des grands courants, là se trouve mon village.
C'est là.
Le café, la plage, le vieux phare et le cinéma...
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