
Assis sur une marche dans l'escalier du portique, il en grillait une deuxième tandis que de l'autre côté de la fenêtre le fixait cette lune jaune. Les yeux de cratères plus sombres qu'à l'habitude guettaient tout de même la demeure prise en otage dans les bras de la nuit. Michael Robartes lisait des lettres dans la lueur d'une chandelle, son visage hâlé se reflétait dans la vitrine de la porte d'entrée. La flamme dansait sur sa tour de cire au rythme de la guitare du jeune prêtre qui jouait tout ce que ses visions lui inspiraient. Une femme dans une robe bleue s'endormait sur la chaise berçante qui grinçait encore au pied de l'escalier. Elle était éblouissante, d'une beauté aveuglante tout comme le feu de l'ampoule qui l'éclairait. Michael Robartes leva ses yeux malades de sur ses papiers.
"Et vous, mon père, pourquoi semblez-vous si solitaire ces jours-ci?" Le jeune prêtre continua sa balade en fredonnant quelques notes du bout des lèvres. Puis, à la fin de sa mélodie, il s'arrêta de chanter en laissant résonner son dernier accord de guitare dans l'écho de la cage d'escalier.
"Mon fils, je me confesse aujourd'hui. Je ne pourrai garder la tête droite encore bien longtemps, elle penche et s'affaisse dans ma confusion la plus profonde. Elle surchauffe quand je voudrais la garder froide. Mes pensées s'agrippent à mon coeur et mon coeur s'agrippe à l'amour. Je m'empêtre dans les avances de deux femmes qui ont semé en moi tous les mirages de la vie. Je rêve d'une les yeux ouverts, je rêve de l'autre les yeux fermés. Je ne dors plus, je n'ai plus soif. Je suis un oiseau sans voyage, un grand cygne domestiqué. J'ai peur que ces images ne me quittent plus. Il ne reste de lucidité en moi que ce cognac, et vous, Michael."
Robartes de répondre "Allons, curé, votre coeur est bon. Partez très loin, volez, maintenant."
Le prêtre déposa son verre et au dehors il vit l'herbe gelée briller sous les rayons de la lune. En bas, la chaise berçante cessa de grincer et dans le silence quelqu'un parla.
Au soleil levant, les rideaux habillaient le matin pendant que le vent soufflait la noirceur de l'autre côté de l'horizon, et sur la poitrine de Robartes perlait une chair de poule entre quelques égratignures, là où la brise l'avait violemment embrassé. Un silence perçant tassait la brume entre le fleuve et le rang. La soeur de Michael monta à l'étage et demanda si tout allait bien à travers la porte de la chambre. Elle attendit, en vain, pas de réponse. Ce n'est que le lendemain qu'enfin elle pu entendre de l'autre côté les pas discrets d'un léger danseur.
Elle alla s'asseoir sur le bord de l'étang, et on lui murmura que le sommeil des cygnes sauvages ne commençait pas par une chanson, mais par un soupir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire