mardi 27 septembre 2011

Sa mère

J'suis égoïste, inconscient, et épais.

J'essaye tout plein d'affaires, j'essaye d'avoir l'air fin, de progresser.
J'm'écoeure moi-même. Mes études me grugent et me prennent, me pitch de tout bord tout côté. J'les fais, pis j'sais que j'les fais pour presque rien. J'me dis que si t'es fier de moi c'est correct, j'vais continuer même si j'sais pertinemment que quand j'aurai fini, j'vais avoir un bout de papier. Rendu là, restera plus qu'à me torcher le cul avec. J'les ai abandonné l'an dernier, j'ai rien trouvé de mieux, j'y suis retourné cette année. J'trouve pas ça tant mieux. Un peu, j'ai mes chums avec moi. Mais j'sais jamais si j'aime vraiment ça.
C'est bizarre, y'a ben des choses que j'sais que j'aime vraiment.

J'aime l'odeur des saisons, j'aime le vent qui contourne mes lunettes soleil en vélo, j'aime les tapis arabes, la peau de vache sous mes pédales de guitare, les choses anciennes et celles qui sentent le vieux, j'aime le carton vieilli qui recouvre mes vinyles grafignés, j'aime m'asseoir sans bruit, j'aime les lueurs orangées, j'aime le craquement des feuilles d'automne quand je les piétine doucement, j'aime jouer de la guitare sur mon lit le moins fort possible, j'aime m'imaginer devant des centaines de visages stupéfaits, j'aime les saluer et leur dire merci, j'aime les artistes incompris, j'aime faire exprès d'être toujours différent, j'aime la peinture, le thé, j'aime l'odeur du tabac, des fois on dirait l'odeur des raisins secs, j'aime la musique espacée, le silence surtout, j'aime les grincement de portes, les fenêtres qui s’embuent, les dessins dans la buée, j'aime la neige dans mes cheveux, j'aime les films plus vrais que la vraie vie, j'aime les petits détails qui font de la vie plus qu'une bête histoire de péripéties, qui en font un livre de beauté et de moments précieux. J'aime ma famille et mes amitiés.

Cette semaine j'ai recommencé à ne plus dormir, j'sais pas ce que j'ai. Tu sais très bien que chez moi c'est maladif. Quand j'dors pas, ça va mal.
J'ai peur que ça me rattrape plus tard.
J'pense beaucoup. J'ai pas mal d'idées, de grands projets qui me rendront tous aussi pauvre les uns que les autres. Des voyages, des rêves, ouvrir un magasin de disque indépendant, ouvrir un café, un bar spectacle, j'sais pas. Partir en tournée dans une vieille van qui fera pas l'hiver. Jouer dans l'métro pour une couple de piastres, m'acheter une liqueur pis l'regretter quand y'en a pu.
Vendre mon char, acheter une guitare, une bague de fiançailles pis chanter mon amour.

Là j'écoute Vollebekk, c'est beau, pis j'pense à toi m'man. J'm'ennuie d'toi, Pis dire que tout ce temps là j'ai encore juste parlé de moi.
Garde donc ça comme j'suis pas bien. J'aurais dû fermer l'ordi, anyway y'a pas grand monde qui vont lire ça mais j'sais que toi tu vas l'faire. J'aurais dû aller m'coucher, ou t'appeler, pis t'écouter m'parler. C'est ça j'aurais dû faire.

jeudi 23 juin 2011

C'pour ça que j'la suis.


Tabarnak! Ferme donc ta yeule, calice! Pourquoi j'agis de même? Tu te demandes pourquoi j'fais ci pis ça? T'as vraiment pas d'idée, même pas une p'tite idée de rien? Tu l'sais aussi bien qu'moé! Faque arrête donc tes hosties de niaiseries, ferme la porte, pis assis toé su' ton cul deux secondes, laisse moé t'dire des vraies affaires.
Hostie j'en r'viens pas...
Écoute p'pa, chu pas fou, chu pas un christ de bum, y m'semble que j'vaux mieux que ça.
Y m'semble qu'après toute ma vie, après les années passées, y m'semble que tu pourrais tirer un meilleur jugement de ce que j'deviens.
Chu pas pour me laisser piler sué pieds! Chu pas pour me laisser parler d'même, me faire dire toutes sortes de menteries pis d'noms, par un insignifiant qui lui se les serait laissé dire! Tu m'suis tu?
Chu ton fils, t'es supposé être fier de moé. Je l'sais, j'étais un p'tit arbre, pis toé le cadre ben solide qui m'empêchait d'pousser tout croche. Mais là l'arbre y'est rendu trop grand pour le cadre. Tu comprends-tu?

Je l'sais que j'ai pas une maudite cenne, chu pauvre que l'christ, pis j'chierai pas loin c't'été avec mon p'tit change. J'va surement finir aussi à sec que la tinque à gaz de mon char. Mais j'sais que mes doigts peuvent me mener plus loin que mes jambes, pis j'sais que mes jambes peuvent me mener plus loin que mon char, pis j'sais que ma tête peut me mener plus loin que mes doigts. Chu pas fou, chu pas un christ de bum. Y m'semble que j'vaux mieux que ça.

Je l'sais que chu pas souvent par icitte. Chu souvent parti.
J'veux voir le monde, j'veux voir ailleurs. J'veux voir le sable pis l'soleil, j'veux voir ma blonde, pis la mer.
Quand même que j'décrisserais à l'autre bout du continent, tu penses-tu vraiment que j'vous oublierais, toé pis m'man? J'veux pas être fou, être un christ de bum.
Tu t'rends tu comptes que j'vaux mieux que ça?

C't'avec elle que j'veux vivre ma vie. C'est la plus belle femme du monde, c'est celle que j'aime.

J'm'en va p'pa, j'm'en va pour de bon, ben loin, pour un boutte. Moi pis elle, ben ben loin, où s'qui fait jamais frette pis qu'y pleut pas souvent. J'ai fait mes valises, sont déjà dans l'char. J'compte revenir quand j'aurai trouvé la paix. C'pour ça j'dis qu'ça va prendre un boutte.

J'avais déjà vu la mer, mais la vraie mer, 'est dans ses yeux.
C'pour ça que j'la suis.

mercredi 8 juin 2011

Ma clope dorée


De la boucane dans les yeux, de l'or dans ton sang.
Ma gorge sèche et tranchée par le cri des alouettes.
J'te vois par le châssis du salon et je sais
que si j'étais mineur c'est toi que je piocherais.

dimanche 5 juin 2011

Chansons pour tes yeux


On prend le frais sur les balcons, mais
surtout la fuite.

lundi 18 avril 2011

Les cierges mourants


Même si j'y crois pas.

Y'aura toujours en moi quelqu'un d'autre. D'autres moi, d'autres citoyens, des gens bien, cachés sous des rêves de veufs et de païens. Un garçon étendu dans les herbes hautes, laissant ses doigts ramper vers la douce contrée d'une hanche dévoilée, un homme grisonnant dormant dans les cheveux roux de sa femme, un chômeur nocturne au teint d'ordinateur, un musicien épuré, talentueux mais inefficace, un poète décrocheur sans crayon ni efface.

Ce soir, des cierges illuminent la pénombre qui m'empêche d'y voir clair. Je vous écrit une autre fois, sans savoir qui vraiment me lira, dans ma caverneuse chambre de bois qui un jour brûlera, enfin, je l'espère.
C'est pourtant moi, rêveur insatiable, qui ne pense qu'à la mer et à ma Jeanne. C'est pourtant moi, le sauvage, qui se baricade derrière ce mur de faussetés et de rires charitables.

J'envie le pêcheur et son départ, je jalouse le vent et la pluie car, finalement, je n'ai plus l'envie d'être ici. Un pied sur la grève et l'autre dans le fleuve, un dilemme me tracasse et me tord l'esprit. Non, je n'ai point honte de ma race, je suis en amour avec ma patrie.

Seulement, de l'autre côté du rivage, très loin des grands courants, là se trouve mon village.

C'est là.

Le café, la plage, le vieux phare et le cinéma...

samedi 20 novembre 2010

Le respire


Elle entre brisant le passage, forgeant sa réputation dans le chaud métal. Elle électrocute les parois, créant une attraction colonisatrice, l'envoyant nager dans la peine de centaines d'années. Elle passe plus vite que la brise et réchauffe mes doigts d'hiver, elle s'en va par delà les anches, vibrante, libre de revenir quand je l'aspirerai encore. Elle voyage sur les chemins de fer pour traverser les grillages, plonger dans les oreilles de cire et y faire la loi, percer les malheurs et le cartilage, abattant barrières et vitraux, piégeant les coeurs au lasso.

Avant d'être bleus, vous étiez sots.

Elle entre poussant les murs, pressée de naître, de trouver qui elle est ou qu'est-ce qu'elle est, de savoir quelle son elle fait quand elle se laisse parler, sortie du tunnel qui l'a retenu le temps d'un jamais. Elle s'est échappée du bayou sans cligner des yeux, directement aux prés, en haut des grandes collines d'espoir, là où ses ancêtres furent libérées, au creux d'un autre souffle qui leur aurait fait l'amour comme des esclaves savourant le pain du jour.
Ce n'est pas un message de bravoure, elle n'est pas porteuse de remède, mais l'harmonica est à l'homme ce que le temps est aux plaies.

mardi 27 juillet 2010

Tranche (Miettes) de pain (vie)

Vieux texte écrit à mes débuts en 2008.


On est dans l'char, y'est rendu 1h19 tapant, on est pas mal tous fatigués. Moi j'suis pas capable de dormir en char, les lumières des poteaux m'éclairent les paupières, et j'ai beau avoir les yeux fermés, c'est pas totalement noir. C'est plus orange noir, ça me tape sur les nerfs, j'veux ben dormir mais là. En plus y'a la fenêtre qui vibre pis ça me remonte dans les dents et ça me chatouille les gencives. Oublie ça, tant qu'à ça, j'vais regarder la slush sur l'bord d'la route. Mon père conduit mais on dirait que lui y'a l'air capable de s'endormir. Ma mère dormait avant qu'on parte quasiment, et mon frère est occupé à passer pokémon stadium.
Y'a U2 à la radio, mon père chante tellement faux, tellement trop bas, que c’est quasiment harmonieux sans faire exprès, ça réveille ma mère. Il lui sourit avec une face de «scusez tu m'aimes tu pareil?» et elle le regarde avec une face de «t'es un épais mais je t'aime pareil», et on roule full pin sur l'autoroute, tellement vite que j'ai l'impression qu'on flotte, qu'on s'envole.

Je me demande tout le temps pleins d'affaires en auto. Par exemple, combien y'a de lampadaires d'ici jusqu'au chalet? J'ai perdu l'fil après 1201, mon frère avait vu une auto rouge faque après les bines ça a résulté en claques s'a yeule. Ou bedon, c'est tu nous autres qui avance ou ben tout le reste qui recule. Je l'ai jamais su. J'ai toujours pensé que sur le dash de char y'aurait un p'tit piton avec deux flèches comme ça »» pour peser et faire que tout recule pour nous amener au chalet. Des fois aussi, tsé quand on baille et qu'on a de l'eau dans les yeux? Ben moi je fermais mes cils juste assez pour que l'eau les entoure et que ça déforme la lumière du lampadaire. Ça faisait des étoiles et selon comment je bougeais mes cils, j'étais capable de les faire augmenter d'intensité ou tourner, comme l'étoile de la fée dans Pinocchio.

L'automne, on allait toujours au chalet. Ça prenait juste 1h15 mais j'avais l'impression que ça en prenait trois.
On avait le temps d'en écouter de la musique. Mais on écoutait souvent du U2, et moi je comprenais pas pourquoi ça s'épelait pas ioutou. La toune que j'aimais le plus c'était Ah la la la bébé, mais le vrai titre c'est Running to stand still.
«Singing ha la la la de day»
On s'en allait, écoutant ça, et on aurait dit que la chanson m'imprégnait les paysages qui reculaient autour de nous. Et chaque fois que je la réécoute, tous les paysages défilent encore devant moi. J'aime ça.

« She runs through the streets - With her eyes painted red - Under black belly of cloud in the rain - In through a doorway she brings me -White gold and pearls stolen from the sea - She is raging - She is raging and the storm blows up in her eyes - She will suffer the needle chill - She is running to stand still».

À la fin y'avait de l'harmonica, et j'ai toujours trouvé ça beau. On dirait que la rage s'y cache, que la tristesse y a trouvé demeure. Et quand le son me traverse, c'est comme un bébé qui sourit, c'est comme un vieux monsieur qui rit, c'est comme une résurrection, c'est comme manger du pâté chinois en famille, c'est comme Noël le matin.

Je me souviendrai toujours de mon dernier vrai Noël. J'étais allé me coucher ce soir là, convaincu que le Père Noël allait venir manger mes biscuits et boire mon lait. Mes parents m'avaient bordé ce soir là, me disant qu'il fallait dormir sinon il ne viendrait pas. Durant la nuit, je me suis réveillé en sursaut, j'avais entendu quelque chose se poser sur le toit. Je capotais, les mains me tremblaient. Il fallait que je me rendorme, sinon le Père Noël allait le savoir et il s'en irait sans manger ses biscuits. Mon père m'avait dit que c'était à cause des biscuits qu'il était gros le Père Noël, mais moi je croyais que c'était parce qu'il avait plus de place dans le traîneau pour tous les cadeaux de tout le monde, alors il en avait mit dans sa bédaine. Le lendemain matin, je me suis réveillé avant mes parents, heureux, constatant que c'était Noël. Je suis allé sauter sur le ventre de mon père pour le réveiller, et ça avait marché. Les deux s'étaient levés, on était prêts à déballer. Les biscuits n'étaient plus là, le lait non plus, et il y avait un petit mot sur lequel était inscrit «Merci Pierrot et Sam pour les biscuits et le lait» signé par le Père Noël, le vrai.
J'ai eu un Nintendo 64, avec Super Mario 64 et un jeu de Pokémon pour mon frère. Je trippais.


...Pis après ce Noël là, mes parents se sont séparés et on s'est fait volé une manette du Nintendo, mais c'était pas grave vu qu'elle était déjà cassée. Et le voleur trop con avait pas prit le Nintendo ni Super Mario.
Alors, on est reparti en char, acheter une autre manette, mais pas cassée, en écoutant mon père chanter sur du ioutou, cherchant le regard de «t'es un épais mais je t'aime pareil» de ma mère, ne trouvant qu'une femme que je ne connaissais pas, qui ne me connaissait pas, et qui, sans le savoir, bouleversait mon existence et ça me faisait l'effet d'un étranglement, de quand on se retient de pas pleurer durant le film où notre personnage préféré meurt.
«And so she woke up
From where she was lying still
Said we got to do something about where were going
Step on a steam train
Step out of the driving train
Maybe run from the darkness in the night
Singing ha la la la de day»...ha la la la bébé...

Depuis ce temps là elle me fait pleurer.


26/12/08