mardi 17 juillet 2012

Quand la paysanne dort.

Y fait noir noir tellement noir que même les yeux ouverts c'est comme si y'étaient fermés. C'est silence, un silence tellement silence qu'on ose pas respirer.
Tu t'endors tranquillement et j'essaie de faire de même. On vient de se décoller parce qu'il faisait trop chaud. T'es pire qu'un poêle à bois, pire qu'un million de degrés.

Tu t'endors, c'est fait, tu dors pour vrai. Je l'sais, ta respiration a changé. Elle est devenu plus forte, plus profonde. J'entends tes poumons se gonfler, ton coeur tombe sur le pilote automatique et étrangement tes yeux ne sont pas totalement fermés. J'ai toujours trouvé ça bizarre tu l'sais. Tes dents claquent parfois, tu te lèches le palet, tu tousses une ou deux fois, tu renifles, tu répètes ce processus chaque fois que tu te tournes de bord. Tu gémis à quelques reprises, tu t'adresses aux personnages de tes rêves agités.
Je suis à quelques centimètres de toi et pourtant nous sommes dans deux univers différents, mélangés entre les fuseaux horaires, je crois.
Je regarde vers le plafond mais je ne le vois pas, je sais qu'il est là. Je pense à nous, plus tard, je pense à la maison que j'aimerais avoir. Je pense à la voiture dans laquelle on partirait, encore. Je pense à mes économies durement amassées, gagner sa vie est un drôle de concept, tu trouves pas?
Tu te tournes face à moi, je sens ton haleine dans mon cou, ça me chatouille un peu mais c'est correct. Tu te retournes de l'autre côté après quelques instants et tu tires la couverture avec toi. La nuit s'annonce longue, faut que j'me lève, écrire tout ça.

vendredi 1 juin 2012

Les soubresauts

Il existe dans ce bas monde une sorte de tension qui régie la plupart des comportements, même inavoués, involontaires, de plein gré ou pas, cette nervure existentielle s'accapare du jugement et des réflexes de ses victimes. C'est un trouble lourd et puissant qui frappe doucement et qui ravage corps et âmes. Ça a l'air fou, croyez-le. Comme si une veine venait de gonfler si rapidement le long de mon cou, vraiment vite, serrant ma gorge d'une pression incalculable. Que je le veuille ou non, une torsion musculaire m'afflige de ses caprices et je suis en litige avec mon propre visage quant à l'expression qu'il dégage. Si ma bouche est désormais verticale ce n'est pas mon choix. Si je peux enfin voir de quoi a l'air l'intérieur de mon crâne, ce n'est pas ma faute, c'est cette tension, cette torsion qui m'y force, qui me retourne les yeux sans me le demander. Mon coeur se débat contre l'attaque, je suis trempe comme un orage. Soudain des spasmes scapulaires surgissent de nulle part, puis j'ai les rotules qui partent dans tous les sens, c'est probablement ce qu'on pourrait appeler danser mais j'en suis peu certain.
J'ai le pelvis en crise, le bassin versant versé.

Cette tension maudite, qui me remonte les artères, j'ai pourtant l'impression de la connaître.
Ce n'est pas tout à fait un sourire, ni une douleur.
C'est une sorte de scissiparité, un division de moi-même, face à l'intrusion de mon domaine. Une étrange présence qui n'a rien d'animale, ni de végétale, rien de vivant tout compte fait. Pourtant, elle est tout à fait le contraire de la mort. «Si ce n'est pas la vie, qu'est-ce que c'est?» - vous dites. J'en sais rien non plus figurez-vous.
C'est peut-être une émotion, une réaction, une âme.

Selon ce que j'ai pu ressentir, c'est venu de par mes oreilles. C'est entré par là, ça s'est permit d'y pénétré sans m'avertir.
Un soubresaut et j'étais par terre étendu comme un chiffon. J'ai cru entendre le son d'une aiguille toucher le vinyle d'un disque. Et lorsqu'elle s'est frottée au plus creux du sillon, j'ai imaginé les câbles frissonner au passage de ce qui allait ensuite traverser les boîtes de son. Ces dernières ont dû vomir de bonheur à l'éructation divine du viol agréable qui m'engourdit ensuite les nerfs dans un calme et une sérénité provocante. J'étais sans doute proche du trauma.

Ce n'est que bien plus tard qu'on m'a expliqué que ça s'appelait le blues.





dimanche 13 mai 2012

Les Catacombes

Les bums de la ruelle
Croquent le cartilage
Comme si c'était essentiel
Pour traîner dans les parages.

Les mères en fuite sur les balcons
En fument une pendant la sieste
Comme si c'était bien trop con
De compter le temps qu'il reste.

Et ceux qui marchent sur le plateau
Toutes ces âmes marginales
Peuvent bien nous regardez de haut
C'est aussi ça le Mont-Royal

J'entends chialer les têtes enflées
Je vois nos cendres sur le trottoir
Je les vois encore nous brûler
Faudrait être fou pour pas les voir

Notre pays c'est pas un pays
C'est un asile où nos mères guérissent
De la peur d'élever leur petits
Où des étrangers les ensevelissent.

Notre pays c'est pu un pays
C'est une ruelle où les bums vieillissent
Pour devenir ces charognes dont on fait le tri
Parce que c'est payant en christ

vendredi 4 mai 2012

Alpha Centauri

Graffite moi sur la pointe des pieds
La fièvre du pickpocket je l'envoie paître
En montant les étages de notre thermomètre
Je cloutais un nid d'espions quand tu m'as renversé

Des feuilletons de balivernes surdimutités
Éructent en couleur sur les murs de mon salon noir
Des concubines dansent nues sur le hood du corbillard
Et on beurre nos fèves germées

Les collections de pixels nous étourdissent
Des traces de pneu dans les rosaires, il faudrait éteindre
Le feu pogné chez l'antiquaire, il faudrait feindre
D'être en vie, les yeux à demi-clos, courser dans ma Chevy '56.

J'ai souvent dansé dans les stalles de la salle de bain
Crié les mots en souricière, sur le toit de ma gueule
Puis je me suis longtemps allongé pour me parler seul
Vandaliser la couverture de nos épais bouquins.

Un jaune papier sale que je ne voudrais méprendre
Des alexandrins espagnols au pas de ta porte
Sur un veineux papier mort-né, pas tout à fait propre
Tes notes déchirées que je ne voudrai comprendre.


dimanche 22 avril 2012

Encore l'ange encore l'ange

Les secrets

Son lit est un bain d'eau salée. De la pluie oculaire en barrage de couvertures, filtrée par les cils d'un ange.
Es-tu l'une d'entre elles? Celles qui se baignent dans la tristesse du seigneur, et dans le sang de la tromperie.
Regarde sous le plancher, cherche les secrets que j'ai caché. Prends-les ces secrets, sache-le, je n'en veux plus ici.
Noie-les au fond du puits, et même lorsque le puits sera sec, brûle-les au fond du four, et même si ce four se salira, nettoie-le, passe l'éponge, et cette éponge contaminée, jette-la au loin dans la rivière où elle coulera, et chaque matin à la pêche, tu repêchera ces secrets pour souper, et lorsqu'ils entreront encore en toi, l'amertume renaîtra au fond de ta gorge.
Tranche-la.
C'est la seule façon d'en finir.

Un lit d'eau salée, de la pluie oculaire, des centaines en quarantaine, l'ange ligotée trempe dans ton regret.


Le ralenti

Les mains silencieuses
Les baisers silencieux.
Glisse ton nez sur le mien.
Les sourires silencieux.

Mes baisers imprécis
Sur tes hanches chaudes
Ces caresses étourdies
Et nos mains qui maraudent.

samedi 21 avril 2012

Le geai bleu

Au feu les bûches, elles brûlent et chauffent la demeure. Le curé est sur le perron du presbytère, il prie les anges. Il prie les joies de la passion, celles d'aimer sans l'être, celles du désir inexpiable. Parfois, il regardait parfois dans la direction de la vitrine, et se dirigeait vers la vitrine en traversant le chemin. Il se paonadait d'une robe noire et de son livre sacré, il entrait derrière la vitrine et nous lisions parfois des simulacres des paradoxes et parfois des amertumes derrière la vitrine.
Un rôti cuit dans le poêle, en haut de l'escalier ça sent le rôti. Je suis couché par terre et mes cils battent comme les ailes d'un geai bleu blessé, sur les palissades de la ville orange. L'oracle de la tour du nord est seul comme le curé. Les geais bleu volent sur des miles à la ronde, sifflant la douleur de l'équivoque. La tombe la plus creuse du cimetière est celle où j'irai dormir. Au bout de la péninsule, un homme tend les bras vers le golfe, les geais bleus s'y poseront avant la traversée.

La goutte panacée

Une goutte de condensation perle sur le plafond au dessus de ma tête. Elle s'allonge et s'allonge, elle ne tombe jamais, elle ne fait que s'allonger. Elle perle jusqu'au plancher. C'est une colonne de goutte. C'est une chute interminable. Le plancher s'imbibe et s'inonde. Le bois gonfle et gonfle. Le bois gonfle comme une miche de pain. Des trous s'ouvrent et des mulots en sortent apeurés, les pauvres mulots. L'eau est forte, l'eau est froide. L'eau coule sur le ventre d'une femme, l'eau coule sur le ventre d'une mère. L'eau d'en face coule sur les fronts. L'eau d'à côté coule sous les ponts. La mienne perle du plafond en stalactite liquide, lentement comme une promenade.

La panique

J'ai besoin d'un baiser d'ange, sur mon front mouillé de l'eau d'en face. Je prierai s'il le faut mon père envoyez moi les anges vous les connaissez vous leur parlez toujours je le sais je vous vois mon père s'il le faut je prierai voyez vous l'eau qui coule lentement comme une promenade mon père les mulots courent dans la cuisine le rôti cuit toujours mon père soupez avec nous s'il le faut je prierai toujours aux anges jusqu'à perdre le souffle et la raison mon père.
Je vous le promets, vous lez connaissez, envoyez-les mon père avant que le coeur me sorte par la bouche.

mercredi 21 mars 2012

Les Scalpels


Ne t’en fais pas.
Je nous ai plongés dans le plus grand des paradoxes, dans un abîme d’attente si profond qu’on en oublie parfois l’existence. On tombe si longtemps, qu’on ne tombe plus vraiment. C’est un vol plané, pourtant loin d’être planant. C’est une chute incontrôlée, incontrôlable.
Je nous ai plongés dans le plus grand des océans, dans un abîme de bleu si profond qu’on en oublie parfois la présence. On coule si longtemps, qu’on ne coule plus vraiment. C’est un lointain naufrage, un naufrage improvisé, imprévisible.
Je pars pour moi. Je pars pour le futur. Je n’ai pas exactement le mal du pays, mais le départ me ronge les artères. Toutes ces nuits passées au bord de la mer ont fini par me noyer. La marée se saisira de moi et m’expulsera loin, si loin de toi,
sur un vieux rocher désert, une île volcanique où, après avoir sombré, seul, dans la folie, je trouverai peut-être la paix d’une chaleur maternelle, magmatique, ardente et sereine. Alors peut-être verrai-je la lumière, peut-être percerai-je la neige à mon tour, dans l’éclosion d’un jour nouveau, au réveil d’un printemps qui depuis longtemps hiberne.

C’est si difficile de quitter ce qui me retient, c’est difficile de regarder s’éloigner le paysage lorsqu’en avant, il n’y existe rien d’autre qu’un horizon vierge, rien d’autre que les deux grands bleus qui se rejoignent, deux mondes à part, le gazeux et le liquide, qui se fracassent l’un contre l’autre comme deux frères en furie, comme deux meurtriers.
C’est si difficile de te regarder dans les yeux, de te dire tous ces mots coupants, de t’ouvrir les trippes avec mes scalpels. C’est si difficile de t’avouer tout ce mal qui m’habite, pour t’en faire tout autant. C’est difficile de ne pas pleurer. C’est si difficile de ne pas te dire «je t’aime», avant de m’en aller.

Mais je pars pour moi. Je pars pour mieux revenir. Je pars pour me connaître, et je reviendrai, sachant qui je suis, au lieu de savoir qui j’aimerais être.