mercredi 21 mars 2012

Les Scalpels


Ne t’en fais pas.
Je nous ai plongés dans le plus grand des paradoxes, dans un abîme d’attente si profond qu’on en oublie parfois l’existence. On tombe si longtemps, qu’on ne tombe plus vraiment. C’est un vol plané, pourtant loin d’être planant. C’est une chute incontrôlée, incontrôlable.
Je nous ai plongés dans le plus grand des océans, dans un abîme de bleu si profond qu’on en oublie parfois la présence. On coule si longtemps, qu’on ne coule plus vraiment. C’est un lointain naufrage, un naufrage improvisé, imprévisible.
Je pars pour moi. Je pars pour le futur. Je n’ai pas exactement le mal du pays, mais le départ me ronge les artères. Toutes ces nuits passées au bord de la mer ont fini par me noyer. La marée se saisira de moi et m’expulsera loin, si loin de toi,
sur un vieux rocher désert, une île volcanique où, après avoir sombré, seul, dans la folie, je trouverai peut-être la paix d’une chaleur maternelle, magmatique, ardente et sereine. Alors peut-être verrai-je la lumière, peut-être percerai-je la neige à mon tour, dans l’éclosion d’un jour nouveau, au réveil d’un printemps qui depuis longtemps hiberne.

C’est si difficile de quitter ce qui me retient, c’est difficile de regarder s’éloigner le paysage lorsqu’en avant, il n’y existe rien d’autre qu’un horizon vierge, rien d’autre que les deux grands bleus qui se rejoignent, deux mondes à part, le gazeux et le liquide, qui se fracassent l’un contre l’autre comme deux frères en furie, comme deux meurtriers.
C’est si difficile de te regarder dans les yeux, de te dire tous ces mots coupants, de t’ouvrir les trippes avec mes scalpels. C’est si difficile de t’avouer tout ce mal qui m’habite, pour t’en faire tout autant. C’est difficile de ne pas pleurer. C’est si difficile de ne pas te dire «je t’aime», avant de m’en aller.

Mais je pars pour moi. Je pars pour mieux revenir. Je pars pour me connaître, et je reviendrai, sachant qui je suis, au lieu de savoir qui j’aimerais être.

1 commentaire:

  1. T'arrives à mettre des mots sur ce qui me ronge, d'une manière semblable, moi aussi.

    Tu sais apprivoiser les mots et t'en servir, en tout cas.

    Sublime.

    RépondreSupprimer