vendredi 27 septembre 2013

Comme si t'étais encore là

Ta peau, c'est doux.
C'est chaud mais un bon chaud. Pas un chaud de fièvre, un chaud de feu. Mettons à cinq six pied d'un feu. C'te chaud là. Le chaud quand tu rentres au chalet, pis qu'les néons t'aveuglent un peu, ça t'fait voir vert ça t'fait voir croche. Chaud comme un fond d'shooter de fort, au creux d'un ventre couché su'l dos. Pis ta p'tite laine aussi est douce. Pis tes cheveux qui sentent la fraise, j'les sent d'icitte pis ça m'fait d'quoi. Ça cache l'odeur d'humidité, dans mon sous-sol plein de poussière. Tu laisses tout ça sur l'oreiller, quand tu t'en vas j'peux m'y coucher. Sentir que t'es p't-être pas si loin, perdu dans mon rêve éveillé.

C'pour ça que j'pense qu't'es encore là. T'es tout partout pis j'comprends pas. Comment ça s'fait qu'j'peux toffer ça. J'parle comme si t'étais encore là.

jeudi 19 septembre 2013

La p'tite Sara du bout du rang


C'était pétrifiant. L'air du dehors.
Après des mois d'enfermement et d'auto-séquestration, respirer c'était une douleur dont je commençais à oublier la sensation. J'étais finalement sorti d'un trait, en panique, réalisant le nombre de secondes qui s'étaient écoulées depuis que j'm'étais mis à arrêter d'exister. Le vent m'agrippait par le cou pis je sentais la rudesse de ses gants me grafigner la peau. C'était presque comme Darth Vader. J'comprenais rien.
En haut la lune me flashait ses hautes, l'Étoile noire mais blanche tsé.
Je m'étais parti une cassette de tounes tranquilles, une des premières de Bob Dylan, pis je marchais vers la grand route voir si le monde avait changé.
Aller s'promener si tard dans le village c'était comme être le seul insomniaque d'un grand dortoir. J'étais errant, j'étais tout seul.

À gauche, les bouées clignotaient vraiment pas fort, juste assez claires pour qu'on les voie mais pas trop vives, qu'on s'aveugle pas. À droite s'étaient encrées toutes les chaumières, face à la mer qui s'endormait. Tout ce que j'entendais c'était le ronflement des camions qui réchauffaient sur la traverse, les chuchotements de la marée, l'harmonica du vieux Sam qui restait sur l'second rang derrière le dépanneur.

Arrivé au bout d'la principale j'voyais pu rien j'entrais dans l'bois. M'restait pu rien que l'bungalow à p'tite Sara avant d'me perdre en caribou. Sur le côté de la maison y'avait une f'nêtre et sa lueur, une veilleuse sur la forêt, l'entrée des monts c'était par là.
Comme en souvenir, c'était pareille.
La p'tite Sara c'était ma blonde avant tout ça, avant que j'sèche dans mon salon les stores fermés sans voir le monde. Enfin sorti, et sans vraiment savoir pourquoi, j'étais là, devant chez elle, blanc comme un drap dans la nuit noire.

Dans la fenêtre y'avait sa chambre. Je la voyais dans un miroir.
Elle était belle et j'étais bien. Elle était nue comme en souvenir, en beaucoup mieux faudrait le dire. J'étais ému par sa candeur, mes yeux coulaient à cause du froid. Elle semblait chaude et confortable, prête pour l'amour et la passion. Elle se leva, alla s'asseoir, sur une chaise tout près de là.
J'avais envie d'aller cogner, prendre un caillou, le lui lancer, à sa fenêtre la déranger pour une danse de quelques pas.
J'avais envie de lui écrire, de longs textes plates, des paragraphes, de courts poèmes, des acrostiches, des mots quétaines sur une ardoise, jusqu'à ce que fêle ma plume, jusqu'à ce que meurent mes doigts.
J'aurais écrit tout un recueil de belles histoires où elle et moi, dans la prairie, on se s'rait fait des p'tits enfants.
Je jetterais tous mes avoirs, me redonnerais un brin de vie, me r'voir vivant une couple de fois. Y'est ben trop tard apparemment.
Y'a que Sara avait un chum, un beau grand brun, avec d'la gueule.
Faque en bout d'ligne, juste devant l'bois, j'étais errant, j'étais tout seul.

jeudi 12 septembre 2013

Celle en arrière de la Maison


Je me camoufle dans la craque du bonheur. Une limbe une crevasse. Une affaire creuse.

C'est long longtemps quand tu t'rends là. Une longitude dans l'mauvais sens du mot. Dans l'pas bon sens. Contresens, l'affaire à l'envers, l'affaire comme moi. Je suis un wrong way paqueté plein d'chars, je ne lisais plus les pancartes. J'avais une hache de plantée. Plantée dans tête. Une semence cervicale qui grandissait en arbre en fleurs en pollinisation en piqûre de bibitte abeille. C'était une grandissure, une enflure un fruit une prune sacrée une sacrée prune. Une colonie de rouge bouillant comme j'ai déjà pu l'expliquer dans d'autres poèmes. Rouge bouillant tsé le goudron sanguin l'essence en flammes les sens en femmes l'encens en l'âme qui se projette sur les murs de l'église la cage thoracique les saints les saintes l'essaim de bulles dans la bouilloire de mes veines. Ça fait ben trop d'mots pour tout comprendre.

Je t'expliquerais en t'allumant. Toi aussi, vierge de tout le mal qui règne en moi. Jeune de l'amour qui crie en toi. Née d'une banque de moments d'une souvenance et d'un répit. Celui quand je me satisfais. Quand je m'érode les neurones, à râteler les fonds de poussière, qui couvrent mes idées amères, du long soleil qui perce mes vues, qui change les scènes du métrage, qui me projètent sans me guider, qui m'étincellent émancipées, en un système organisé de peine, d'étranges honnêtetés.

Alors au ciel le seul crochet, c'est celui d'où pend la p'tite maison. Celle où ça parle devant l'perron. Où riment les conversations de ceux qui rêvent de leur partie. Au bord du lac des étendus, là où s'affaissent les brûlures, y'a la Grosse Femme qui sommeille. Pis Albertine. Y'a Josaphat pis la Victoire, qui s'aiment couchés sur le balcon, pour une demi-heure et quelques actes.

Derrière tout ça y'a un violon, les bras d'une femme qui me consume.
Qui joue les airs de mon enfance, qui m'étourdit à bout portant, et je m'enfonce dans l'endormi. C'était la mère de mes enfants. Des kids qu'on avait fabriqué. On s'étreignait à la brunante, pis pas mal plus que d'in chansons.
Une p'tite couverte pour mes vieux os, une douce peau où la nuit passe, j'envie tout ceux qui la regardent quand sa sensible rejoint le ton.

mardi 3 septembre 2013

Mon rêve avec des planètes dedans

C'est une perche qui m'accroche dans le volatile. Un bouquet de soupirs en congé, une semence qui s'inonde pour mieux émerger de la submestranse qui la couvait. Galilée sti d'perchoir, graffite le mur dans la cour de récré. Écris des poésies pas de ton temps pour t'en souvenir comme je m'en souviens. Des vieilles criss d'histoires de grand-papas. Donne leur de l'importance tu sais ces hommes ont éjaculé nos mères ils ont quelque chose à dire. Ce qu'ils diront, les crouleurs de mélanine, les shop-vac à peppermints, les forgerons de couteaux suisses, note-le bien dans ce calepin. Apprends-les par coeur, par ventre, par deux fois, par la bande, par ci par là, apprends-les, paresseux. Et propage-toi. Disperse-toi. Émancipe-toi. Volatilise-toi. Explose-toi. Tu es un gaz presque poison, un spectre étourdi qui calme les temps, qui dose les cuves de misère.

jeudi 8 août 2013

Le p'tit-escogriffe


C'tait l'silence ben raide dans l'trois et d'mi. Pas un son, rien sauf le bourdonnement de l'électricité qui montait d'in murs, rien que l'mince frottement de l'aiguille sur le sillon sans fin du dernier disque d'un ti-band de rock de amaricain, rien que la toux du voisin d'en haut pis son flushage de toilette qui passait mal d'in tuyaux, rien que l'click fatiquant du compteur d'eau, rien que l'cognage des gear sur les secondes d'la vieille horloge grand-mère accrochée à côté d'un portrait manqué de René Lévesque, rien que l'crépitement de mon tabac à chaque inspiration de douleur, rien que mon souffle en soupir et la boucane opaque qui s'mêlait en ch'feux dans la lumière du salon, rien que la fracture de mes nerfs sous l'poids d'l'émotion, rien que l'grincement d'mes dents qui cherchaient d'quoi à mâcher, rien que l'raclement du fréon dans l'fond du frigidaire aussi vide que mon ventre, aussi vide que mon litte. C'tait l'silence ben raide ouais.
Pis j'sais pas pourquoi mais moi j'restais là assis su' mon cul à r'garder des reprises d'émissions plates à Prise 2, en buvant d'l'orange crush tablette en attendant que mes croquettes de simili-poulet panées aient fini de cruster dans l'four. Criss de veillée B.S. Criss de vie sale hein?
Ok. Badtrippe pas. Des fois je l'aime la vie aussi, des fois.

Aujourd'hui j'tais en char pis j'ai croisé un ti-gars en bécycle. Y'avait une rallonge d'attachée après son banc de bécycle. Y tirait un genre de ti-trailer avec des tites-roues. Su son ti-trailer y'avait mit la tondeuse de son père. Pis y'a trainait. Y'avait l'sourire dans l'vent les dents sèches les yeux brillants, en liberté. Le ti-gars y s'était faite cinq-six piasses ça devait donc le titiller en d'dans ça devait y brasser la cage ça devait y twister a'garnotte dans spinouche à couliche. T'sais veux dire. Qu'est-ce c'est qu'y'irait donc s'acheter avec son argent?
Moi j'tais en char, j'er'venais de travailler à ma job de monsieur, pis cré moi que drette à ce moment là pile précis j'aurais donc voulu crisser mon char dans l'fleuve, me laisser couler d'dans pis renaître en ti-gars pis m'faire un trailer pour tirer la tondeuse de mon popa pis que mon popa y m'dise que j'ai ben fait ça couper le gazon en 45 comme un fairway esti comme un criss de beau fairway de golf vert stripé vert pâle l'été avec des mononcles dessus qui vantent la façon dont la pelouse est donc ben bien tondue juste avant de smasher le tee en slice au trou numéro 9.

J'aimerais ça pouvoir r'monter l'horloge de René, la r'monter d'un coup sec. J'reviendrais dans l'temps qu'j'tais insouciant, ti-cul, ti-noir, un vlimeux, un verrat, un tit-homme, un tit-escogriffe.
Au lieu de ça j'er'garde René pis j'me perd dans ses paupières pas assez tombantes à mon goût pis j'chiale, j'écris, j'me relis, là j'en braille une shot et pis ça passe.
Ça l'air nostalgique tout ça mais c'est surement juste à cause du disque que j'écoute quand j'change de toune ça m'change d'humeur y'a rien qui m'influence plus que la musique j'ai tout l'temps été d'même c'est surement ça qui m'reste le plus de mon jeune temps. Ça pis mon gros cul t'sais.

Badtrippe pas, j'pas en train d'me plaindre, c'pas mon testament c'est juste que j'm'ennuie. Tu t'souviens-tu toi l'temps quand on connaissait pas ça, l'amour? Quand les seules femmes dans ta vie c'tait ta mère la sienne pis les matantes à Noël.
J'essaye d'm'en rappeler là parce que des fois je l'oublie pis j'pense que la femme de ma vie c'tait la p'tite débarcante qui v'nait des Uropes. Oh ça aurait pu. Ç'aurait pu mais ça s'est pas adonné ça c't'une longue histoire j'te conterai ça plus tard ça m'tente pas d'y repenser à soir ça m'fait pas ben ben d'bien, déjà que j'pas top shape.

Bon ok, j'nous met un dernier disque après ça c'est toute hein.

J'vais mettre ce'là avec ton chanteur amaricain. Celui qui joue d'la musique à bouche. Je l'sais tu l'aimes ben ce'là. Y'est doux mais cru pis fort. Y fait mal en dedans tu trouves pas toi? En tout cas, y'est bon. Springteen son nom? Bruce Sprintseen. Chu jamais capabe de l'prononcer comme 'faut.
J'va m'endormir, je l'sais. J'm'endors ben quand ça joue c'te musique là. C'est comme si j'm'en r'tournais au chalet, comme si j'roulais su l'autoroute, pis que le monde lui reculait, ben loin derrière pour me laisser passer, un grand passage d'asphalte jusqu'à 'paix du lac, pêcher l'crapet soleil à 'branche filée, piler dans l'mou d'un beau fairway, cinq piasses d'in poches, en liberté.


samedi 27 juillet 2013

Le son de Saturne

Ça sentait le goudron sur l'avenue et j'avançais les pieds collés sur cette masse instable de poussière compressée. Rien pour soutenir toutes ces rumeurs écrasantes, ces voix d'on-ne-sait-où qui me soupiraient plaintes et balades. À peine avais-je mis les pieds sur le lit de la passerelle que déjà s'effaçait derrière le reflet de la lune sur les cheveux des grandes terres. J'avais beau me plisser les peaux, je n'y voyais plus rien. Un pied dehors, tout réapparaissait. En avant, deux courts lampadaires éclairaient la passerelle, vissés au sol entre les feuillus de l'autre côté des clôtures longeant l'allée. Rassuré par leur mince présence je m'engageai dans ce passage et oubliai tout ce qui aurait pu me précéder. Le chemin craqué par les veines d'un vieux chêne s'étendait par delà la frontière coupant les terres de la ville. J'entrais dans une mêlée de dormeurs, au milieu des ondes de ronflements, des échos d'étroites jouissances.
La passerelle fût bien assez tôt derrière moi et confus je marchais maintenant sur une route cristalline, lisse comme un duvet de virginité.
Je ne saurais expliquer pourquoi à cet instant je commençai à bouillir très fort à l'intérieur. Un feu rageait en moi, les braises d'une explosion, j'avais cette imprévisible sensation que mes organes partaient en fusion. Et quand enfin tout s'arrêta, de ma bouche s'écoulèrent les cendres de l'attentat, un magma de peine noir et luisant. Sur le chemin net et précieux gisait l'éruption dégueulasse de mes refoulements.
Une victime au sol, un papillon de nuit, l'aile consumée, jamais plus ne volera.
Je m'allumai une cigarette puis décampai, loin du triste graffiti de vomissures.
Devant, la route s'envolait vers le ciel, des poutres de béton montaient au firmament. En bas, sur l'autoroute, quelques voitures filaient vers les dortoirs, vers les refuges de respires, où la sustentation des mineurs neuf s'éternisait encore entre deux pièces de folklore.
En haut du viaduc tout était grand, même mes bras, longs et fins comme deux baguettes de tambour. Devant Saturne je vacillais, trop étourdi pour retenir toute l'étendue de sa rythmique, toute l'ampleur de sa vibrance. Je saturais sous les anneaux, pris dans la gorge de cette chanteuse, de cette planète ahurissante, congelé dans le soupir ondulatoire de son volume, dans l'armistice de sa beauté.
Rumeurs et voix venaient de là, fredons étranges du trépas, dans mes oreilles leurs distorsions : "Saute, vas-y, saute donc en bas."

mardi 9 juillet 2013

La moitié de croire


Ça tourne ça se retourne et l'aiguille glisse sur le tissu de musique sur la peau d'ébène creusée de frissons. Y'a derrière une ampoule qui clignote presque et qui rayonne sur les glissoires, y'a cet orange de bronze qui s'apaise sur les routes d'harmonies les stériles chemins les sens uniques de chansons. Ça tourne et ça se retourne dans la tête de Johnson comme une soûlerie une usine de tambours une boucanière à l'aube d'ambre. Y'a derrière une nouvelle idée qui clignote presque et qui s'élance sous les rayures sous les ratures des autres idées qui n'auront jamais passé la nuit. Y'a ce noir de crème qui s'assèche sur la dernière cavité propre d'un mouchoir. Une crise, une semence de tourmente qui grandira en mélodie. Une suite à trois accords qui tourne en rond jusqu'à la fin quand les mots ont fini de parler quand les bougies seront éteintes et les guitares toutes rangées couchées dans des étuis de peluche. Johnson marmonne fredonne quelques trucs ratés et d'autres meilleurs qu'il note dans sa paume. Il se creuse les doigts avec le bout de sa plume mais il ne sent rien. Sa peau n'est pas brisée c'est la corne qui s'écorche. Il pourrait même se les brûler, rien à faire la douleur n'existe pas il est soûl il a des doigts usés travail guitare travail guitare guitare travail travail guitare. Aucune plume d'aucun oiseau d'aucune tête de chef indien n'aurait percé les doigts de Johnson. Et pendant que s'éparpillent ces résidus sur le sol de la cuisine, la chanson se termine et il doit aller tourner le disque sauf que sa tête tourne trop il ne peut se lever pour tourner quoi que ce soit d'autre. Il le comprend il le sait quand ses yeux louchent sans qu'il ne grimace. Les bouteilles vides sur le comptoir suent encore car elles ont été bu froides et le verre n'a même pas eu le temps de se réchauffer. Sur la buée d'une des pintes, les doigts indestructibles de Johnson s'étaient posés et avaient dessiné des empreintes qui ne voudront sans doute jamais s'effacer.
Johnson s'allume une cigarette et il entend le tabac crépiter chaque fois qu'il inspire, ça le fait sourire un petit peu. Il pense à Willie Brown qui lui a vendu ce tabac en vantant la fraîcheur et l’humidité persistante de ce dernier. Ça fait rire le tranquille Johnson, conscient de gouter à l’herbe la plus sèche qu'il n'ait jamais fumé. Ça ne le dérange même pas. Il aime bien Willie Brown et lui aurait acheté le tabac peu importe ses qualités. Il avait simplement envie de fumer et voilà pourquoi il fume en ce moment.
Deuxième long crépitement. Le plafond de la cuisine s'embrouille et s'épaissit de boucane, lui qui flouait déjà la clarté dans un nuage de terre volante. La poussière est partout. Johnson reprend sa guitare pour essayer les dernières lignes qu'il vient d'écrire.
Il entend un craquement soudain venant de l'étage. C'est le bois de l'escalier qui crie lentement sous le poids d'une personne.
Y’a Irene dans les marches, presque nue, fatiguée, nuageuse, douce d'été, portant une des chemises à son Johnson, une flanelle trop grande qu'elle a déboutonné. Johnson dépose sa cigarette et s'accoude sur le manche sa guitare. Il observe la peau d'Irene, le velours de sa poitrine qui s'éblouit dans la brillance des chandeliers. Il se lève et accote son instrument sans regarder sur le rebord de la table. Il s'avance au pied de l'escalier. Irene sourit timidement. Elle se retourne et monte une marche avant de se retourner pour sourire une autre fois. D'en bas, Johnson voit à l'extrémité de la chemise la courbe parfaite des fesses d'Irene se dessiner discrètement avant de se perdre derrière le tissu.
Irene, l'essence de l'érotisme. Irene, déjeune sur l'herbe, sur son torse l'effet de soleil, elle se baigne avec ses chaussettes vertes, illumine le lac comme une néo-Vénus, se lave l'origine du monde, elle sue elle jouit elle adore ça quand Johnson la regarde.
Lui il éclate en elle il invente des choses en elle et il pense aux paroles de sa chanson. Il chante Irene je t'aime en criant très fort le je t'aime.
Johnson il éjacule du blues.

Il ouvre les fenêtres il fume une autre cigarette. Irene est couchée sur les draps elle a sué mais elle n'a pas chaud y'a le vent qui souffle dans la chambre, dans les rideaux qui tombent en bas sur le terrain des voisins et leurs enfants qui marchent dessus. Chez Johnson y'a toujours le même disque qui joue. Ça parle de ce vent-là qui souffle dans la maison. Un foutu vent pas comme les autres qui raconte des choses qu'on n’entend pas souvent. Il parle du son que font les balais sur les galeries quand ils poussent la brousse loin des portiques. Il raconte les tristesses électriques d'une reine et de son roi qui n'aimait pas ses petits plats. Johnson il l'entend il écrit ce que le vent lui dit en se répétant que ça fera peut-être un jour des pas pire bonnes chansons. La brise qui pleure. Ça le fait sourire un petit peu.

Irene est couchée sur les draps elle a sué mais elle n'a pas chaud du tout même que bientôt y'a des frissons qui lui poussent sur les hanches. Y'a Johnson qui vient les manger il aime le goût des frissons. Il aime le goût d'Irene. Ensemble ils prennent la chair et la consument aussi souvent que possible, nus dans l’étang de leur amour, les verres de porto à moitié pleins sur la table de chevet.
Irene se tient debout face à Johnson qui est assis sur le lit. Elle le regarde, la tête penchée, droit dans les yeux. Johnson s’approche sur le ventre de sa douce. Il renifle son nombril il le lèche il écoute son intérieur et s'accorde avec lui dans une paix interminable. Il se saisit des dessous d'Irene qui traînaient sur l'oreiller. Il se penche et lui enfile un pied à la fois en s'appuyant bien étourdi sur les hanches tièdes de sa femme. Johnson remonte la culotte jusqu'à la taille, en frôlant les fesses d'Irene avec ses mains rugueuses. En relevant les yeux vers ses seins, il prend un moment pour les empoigner tendrement. Ce sont des joies à savourer comme des douceurs inestimables.
Irene met sa robe et se tourne dos à Johnson. Elle prend entre ses mains tous ses cheveux, dévoile son cou à la candeur du matin. Elle a quelques grains de beauté à la racine des oreilles. Johnson l'aide à nouer les cordons des bretelles afin que rien ne se détache. Il prend Irene par les épaules et laisse glisser sur sa nuque un puissant baiser, une dévotion au sacré cœur qui bat si fort sous le thorax des amoureux et des fidèles. Une violente bordée d’amour, plus forte que la portée des mots. Johnson, ses lèvres sont figées là. Jusqu’à ce qu’elle chante il l’embrassera, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de peau.