Ça sentait le goudron sur l'avenue et j'avançais les pieds collés sur cette masse instable de poussière compressée. Rien pour soutenir toutes ces rumeurs écrasantes, ces voix d'on-ne-sait-où qui me soupiraient plaintes et balades. À peine avais-je mis les pieds sur le lit de la passerelle que déjà s'effaçait derrière le reflet de la lune sur les cheveux des grandes terres. J'avais beau me plisser les peaux, je n'y voyais plus rien. Un pied dehors, tout réapparaissait. En avant, deux courts lampadaires éclairaient la passerelle, vissés au sol entre les feuillus de l'autre côté des clôtures longeant l'allée. Rassuré par leur mince présence je m'engageai dans ce passage et oubliai tout ce qui aurait pu me précéder. Le chemin craqué par les veines d'un vieux chêne s'étendait par delà la frontière coupant les terres de la ville. J'entrais dans une mêlée de dormeurs, au milieu des ondes de ronflements, des échos d'étroites jouissances.
La passerelle fût bien assez tôt derrière moi et confus je marchais maintenant sur une route cristalline, lisse comme un duvet de virginité.
Je ne saurais expliquer pourquoi à cet instant je commençai à bouillir très fort à l'intérieur. Un feu rageait en moi, les braises d'une explosion, j'avais cette imprévisible sensation que mes organes partaient en fusion. Et quand enfin tout s'arrêta, de ma bouche s'écoulèrent les cendres de l'attentat, un magma de peine noir et luisant. Sur le chemin net et précieux gisait l'éruption dégueulasse de mes refoulements.
Une victime au sol, un papillon de nuit, l'aile consumée, jamais plus ne volera.
Je m'allumai une cigarette puis décampai, loin du triste graffiti de vomissures.
Devant, la route s'envolait vers le ciel, des poutres de béton montaient au firmament. En bas, sur l'autoroute, quelques voitures filaient vers les dortoirs, vers les refuges de respires, où la sustentation des mineurs neuf s'éternisait encore entre deux pièces de folklore.
En haut du viaduc tout était grand, même mes bras, longs et fins comme deux baguettes de tambour. Devant Saturne je vacillais, trop étourdi pour retenir toute l'étendue de sa rythmique, toute l'ampleur de sa vibrance. Je saturais sous les anneaux, pris dans la gorge de cette chanteuse, de cette planète ahurissante, congelé dans le soupir ondulatoire de son volume, dans l'armistice de sa beauté.
Rumeurs et voix venaient de là, fredons étranges du trépas, dans mes oreilles leurs distorsions : "Saute, vas-y, saute donc en bas."
samedi 27 juillet 2013
mardi 9 juillet 2013
La moitié de croire

Ça tourne ça se retourne et l'aiguille glisse sur le tissu de musique sur la peau d'ébène creusée de frissons. Y'a derrière une ampoule qui clignote presque et qui rayonne sur les glissoires, y'a cet orange de bronze qui s'apaise sur les routes d'harmonies les stériles chemins les sens uniques de chansons. Ça tourne et ça se retourne dans la tête de Johnson comme une soûlerie une usine de tambours une boucanière à l'aube d'ambre. Y'a derrière une nouvelle idée qui clignote presque et qui s'élance sous les rayures sous les ratures des autres idées qui n'auront jamais passé la nuit. Y'a ce noir de crème qui s'assèche sur la dernière cavité propre d'un mouchoir. Une crise, une semence de tourmente qui grandira en mélodie. Une suite à trois accords qui tourne en rond jusqu'à la fin quand les mots ont fini de parler quand les bougies seront éteintes et les guitares toutes rangées couchées dans des étuis de peluche. Johnson marmonne fredonne quelques trucs ratés et d'autres meilleurs qu'il note dans sa paume. Il se creuse les doigts avec le bout de sa plume mais il ne sent rien. Sa peau n'est pas brisée c'est la corne qui s'écorche. Il pourrait même se les brûler, rien à faire la douleur n'existe pas il est soûl il a des doigts usés travail guitare travail guitare guitare travail travail guitare. Aucune plume d'aucun oiseau d'aucune tête de chef indien n'aurait percé les doigts de Johnson. Et pendant que s'éparpillent ces résidus sur le sol de la cuisine, la chanson se termine et il doit aller tourner le disque sauf que sa tête tourne trop il ne peut se lever pour tourner quoi que ce soit d'autre. Il le comprend il le sait quand ses yeux louchent sans qu'il ne grimace. Les bouteilles vides sur le comptoir suent encore car elles ont été bu froides et le verre n'a même pas eu le temps de se réchauffer. Sur la buée d'une des pintes, les doigts indestructibles de Johnson s'étaient posés et avaient dessiné des empreintes qui ne voudront sans doute jamais s'effacer.
Johnson s'allume une cigarette et il entend le tabac crépiter chaque fois qu'il inspire, ça le fait sourire un petit peu. Il pense à Willie Brown qui lui a vendu ce tabac en vantant la fraîcheur et l’humidité persistante de ce dernier. Ça fait rire le tranquille Johnson, conscient de gouter à l’herbe la plus sèche qu'il n'ait jamais fumé. Ça ne le dérange même pas. Il aime bien Willie Brown et lui aurait acheté le tabac peu importe ses qualités. Il avait simplement envie de fumer et voilà pourquoi il fume en ce moment.
Deuxième long crépitement. Le plafond de la cuisine s'embrouille et s'épaissit de boucane, lui qui flouait déjà la clarté dans un nuage de terre volante. La poussière est partout. Johnson reprend sa guitare pour essayer les dernières lignes qu'il vient d'écrire.
Il entend un craquement soudain venant de l'étage. C'est le bois de l'escalier qui crie lentement sous le poids d'une personne.
Y’a Irene dans les marches, presque nue, fatiguée, nuageuse, douce d'été, portant une des chemises à son Johnson, une flanelle trop grande qu'elle a déboutonné. Johnson dépose sa cigarette et s'accoude sur le manche sa guitare. Il observe la peau d'Irene, le velours de sa poitrine qui s'éblouit dans la brillance des chandeliers. Il se lève et accote son instrument sans regarder sur le rebord de la table. Il s'avance au pied de l'escalier. Irene sourit timidement. Elle se retourne et monte une marche avant de se retourner pour sourire une autre fois. D'en bas, Johnson voit à l'extrémité de la chemise la courbe parfaite des fesses d'Irene se dessiner discrètement avant de se perdre derrière le tissu.
Irene, l'essence de l'érotisme. Irene, déjeune sur l'herbe, sur son torse l'effet de soleil, elle se baigne avec ses chaussettes vertes, illumine le lac comme une néo-Vénus, se lave l'origine du monde, elle sue elle jouit elle adore ça quand Johnson la regarde.
Lui il éclate en elle il invente des choses en elle et il pense aux paroles de sa chanson. Il chante Irene je t'aime en criant très fort le je t'aime.
Johnson il éjacule du blues.
Il ouvre les fenêtres il fume une autre cigarette. Irene est couchée sur les draps elle a sué mais elle n'a pas chaud y'a le vent qui souffle dans la chambre, dans les rideaux qui tombent en bas sur le terrain des voisins et leurs enfants qui marchent dessus. Chez Johnson y'a toujours le même disque qui joue. Ça parle de ce vent-là qui souffle dans la maison. Un foutu vent pas comme les autres qui raconte des choses qu'on n’entend pas souvent. Il parle du son que font les balais sur les galeries quand ils poussent la brousse loin des portiques. Il raconte les tristesses électriques d'une reine et de son roi qui n'aimait pas ses petits plats. Johnson il l'entend il écrit ce que le vent lui dit en se répétant que ça fera peut-être un jour des pas pire bonnes chansons. La brise qui pleure. Ça le fait sourire un petit peu.
Irene est couchée sur les draps elle a sué mais elle n'a pas chaud du tout même que bientôt y'a des frissons qui lui poussent sur les hanches. Y'a Johnson qui vient les manger il aime le goût des frissons. Il aime le goût d'Irene. Ensemble ils prennent la chair et la consument aussi souvent que possible, nus dans l’étang de leur amour, les verres de porto à moitié pleins sur la table de chevet.
Irene se tient debout face à Johnson qui est assis sur le lit. Elle le regarde, la tête penchée, droit dans les yeux. Johnson s’approche sur le ventre de sa douce. Il renifle son nombril il le lèche il écoute son intérieur et s'accorde avec lui dans une paix interminable. Il se saisit des dessous d'Irene qui traînaient sur l'oreiller. Il se penche et lui enfile un pied à la fois en s'appuyant bien étourdi sur les hanches tièdes de sa femme. Johnson remonte la culotte jusqu'à la taille, en frôlant les fesses d'Irene avec ses mains rugueuses. En relevant les yeux vers ses seins, il prend un moment pour les empoigner tendrement. Ce sont des joies à savourer comme des douceurs inestimables.
Irene met sa robe et se tourne dos à Johnson. Elle prend entre ses mains tous ses cheveux, dévoile son cou à la candeur du matin. Elle a quelques grains de beauté à la racine des oreilles. Johnson l'aide à nouer les cordons des bretelles afin que rien ne se détache. Il prend Irene par les épaules et laisse glisser sur sa nuque un puissant baiser, une dévotion au sacré cœur qui bat si fort sous le thorax des amoureux et des fidèles. Une violente bordée d’amour, plus forte que la portée des mots. Johnson, ses lèvres sont figées là. Jusqu’à ce qu’elle chante il l’embrassera, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de peau.
mercredi 3 juillet 2013
"Gave-moi de ton amour pour shimmer l'Univers"

Pour la paysanne
J'm'ennuie pis on dirait qu'ça adonne pas
J'virerais le monde, l'sécherais sua corde
Pour que l'standby prenne enfin l'bord
Allume les lampes pour une fois
M'a t'jouer une toune qui fini pu
M'a t'enlacer dans nos restants
Tu m'diras d'main on verra ben
Pis qu'on r'vienne pu jamais parce que caliss
Y'est temps que l'bon soit d'mon côté
Que les adons s'adonnent là, tsé
Que j'aille pu l'air de patauger
La marde j'tanné en enfant de choeur
J'pensais jamais à m'questionner
Sur les rapports de la clarté
Mais là j'me demande à quoi ça sert
Si Dieu lui-même se bat contre moi
J'ai couraillé tous les villages
À la recherche du coeur fendu
Mais le Fou de l'île y'est er'venu
Me dire qu't'étais l'autre bord du fleuve
mardi 18 juin 2013
Encore Mathilde
Tu me dirais que j'exagère
Quand je m'étripe dans l'engourdi
Mais j'fais pas ça pour manquer d'air
J'le fais seulement parce que j'm'ennuie
De toi pis de tes bonnes manières
De tes sparages qui twistent la nuit
Ceux qu't'uses pour me r'virer d'travers
Quand j'te dis "j't'aime à l'infini"
Je r'pense à toé su'l bord du fleuve
Qui pitch des roches dans le lointain
En s'en allant vers la Côte-Nord
Voir les baleines par le châssis
Une couple de bières dans chambre d'hôtel
Pour célébrer nos éloignements
De la grand' ville, des ouragans
Qui poussent à gauche qui tirent à droite
Encore, Mathilde
On sortira à la noirceur
Marcher su'l bord des chemins d'terre
Traverser l'fjord ça m'fait pu peur
Vu qu'tu m'as montré comment faire
S'quêter un lift jusqu'à la paix
Mathilde réchauffe les arrivants
Ceux qui comme nous sortent en retrait
Loin des rivages d'accablements
Encore, Mathilde
mercredi 12 juin 2013
14 avril 1969
J'étais arrivé au pied de la bâtisse le coeur mariné dans le dépaysement. Au loin derrière moi le ciel était brouillé d'un pâle orangé, noirci par la pureté de la campagne à quelques lieues de là. Tout autour, elles surplombaient, les tours de la fortune. C'étaient d'excellents repaires d'oiseaux qui par centaines venaient s'éparpiller sur ces belvédères, à regarder les hommes courir, à regarder les hommes frapper. On entendait en écho leur discret battement d'ailes envelopper les fréquences du haut-parleur projetant vers le ciel la voix électrique d'un commentateur. Dans l'escalier à l'entrée principale, ça sentait le maïs soufflé, la friture, les saucisses. Plus j'avançais, plus l'odeur de la bière et des bretzels salés m'assaillait et m'attisait. Les larges corridors étaient construits de murs en briques, et les planchers recouverts d'une couche vernis si lustrée que je me voyais marcher parmi le reflet des lustres accrochés çà et là sur les plafonds du labyrinthe. Ces chemins de miroirs semblaient me mener à une source. Un lac d'émotions formé d'un fort mélange d'appréhensions, d'amour, de patience et de fiertés s'écoulait dans les couloirs. J'étais dans les coulisses de ce qui me semblait être un bain de bonheur. Plus loin, une ouverture laissait entrer de la lumière au loin, une puissante brillance qui m'aveugla au passage. Une fois que je pu ouvrir les yeux, je découvris cet univers vers lequel la vie m'avait porté. J'étais à l'embouchure d'un long canal de suspense, qui débouchait dans un immense dôme illuminé, au toit décoré de bannières, d'hommages et de fantômes. La voix du commentateur résonnait encore plus fort dans mes oreilles, l'odeur de nourriture s'était dissipée pour laisser place à celles de la tourbe humide, de la terre battue, et soudainement, de l'effluve du tabac émanant du cigare d'un homme âgé fumant patiemment sur l'estrade. J'entrais ébloui dans ce sous-univers, ébahi devant sa grandeur, séduit par la confiance qui y régnait. J'étais candide et amoureux, j'étais naissant j'étais heureux. Dans le champ centre couraient des hommes empreints de passion, aux minces sourires adoucissants, comme s'ils rentraient à la maison. À l'arrêt court ils se lançaient, sous les pirogues les autres fumaient, en attendant que tout commence. J'allai m'asseoir près du bonhomme de l'estrade. Je continuais de regarder le monde quand l'étranger m'interpella.
"La saison sera difficile, n'est-ce pas, filston?" dit-il en se penchant vers moi.
Je lui répondis brièvement que c'était la première fois que je venais ici.
Il cligna des yeux, se redressa et sembla soudainement très confus. Comme s'il m'apercevait enfin correctement, il se leva très lentement en fronçant ses sourcils poivre-et-sel.
- Ne vous ai-je pas déjà rencontré quelque part, mon ami? me lança-t-il rapidement.
- Je ne sais plus, vous me paraissez familier mais je n'ai aucun souvenir que nous soyons présentés, répondis-je en hésitant. Mon nom est Jones. C'est étrange, vous m'évoquez la même chose que cette vision verdâtre au loin là devant, qui me rassure et me rend fier, comme un père dans la tempête."
- Enchanté, Jones. Content de te l'entendre dire, et je suis entièrement d'accord avec toi, ajouta-t-il en prenant par la suite une profonde inspiration. C'est le plus beau des endroits, je n'ai jamais envie d'en partir. Je voudrais rester ici, ne plus quitter cette atmosphère, cette paix qui plane dans l'édifice. L'odeur de l'herbe, celles du devoir accompli, des miracles et du tabac. Le son des fantômes qui sifflent entre les manches des mélodies de l'ancien temps, celui du claquement de la balle sur le bois ferme des bâtons. Le soir, lorsque j'entre dans ma voiture après la fermeture des portes et que je vois dans mon rétroviseur les projecteurs du parc s'éteindre les uns après les autres, Jarry devient tout aussi sombre que mon coeur.
Un silence s'en suivit, remplit par le crépitement satiné de quelques ailes de pigeon.
Je voyais tout près sur le côté Rusty Staub parler avec Sutherland, tout deux dans leur nouvel uniforme. Staub enleva sa casquette et gratta ses clairs cheveux roux qui semblaient presque blonds, puis regarda dans ma direction et hocha la tête quand nos regards se croisèrent. J'avais l'impression que ces deux hommes parlaient de moi.
- Ils parlent de toi, me souffla le vieil homme à mes côtés, une sorte de rictus accroché sur sa mâchoire.
Ça m'a fait rire, il savait tout. Il savait qui j'étais et pourquoi je me trouvais là.
J'avais traversé les frontières pour finalement voir ce que j'ai vu. J'avais quitté Atlanta les yeux fermés, et soudainement j'arrivai à Montréal sans m'apercevoir que ma vie était changée. Il marmonna en creusant mes pupilles de son regard cernant.
- Je suis Gene Mauch, ton manager. Ton uniforme est sous la pirogue. Habille-toi et je te présenterai aux autres joueurs. N'oublie pas ton gant et tes crampons, on commence dans une heure.
Je sorti une pomme de mon sac, et commençai à en trancher la pelure avec mon couteau suisse, j'en pris une bouchée en souriant. Je hochai de la tête tandis que Mauch fixait la lame qui retournait rangée, dans ma poche. Je lui tendis un morceau du fruit que j'avais découpé pour lui. Il le saisit entre ses doigts aux ongles rougis par la terre de son champ intérieur, la croqua lentement puis l'avala avant de recracher quelques écailles de graines de tournesol probablement restées dans sa joue. Jamais je n'aurais cru naguère pouvoir rencontrer quelqu'un d'aussi mystérieux. En s'essuyant le côté des lèvres après une bouffée de son cigare déjà aux trois quarts consumé, il m'interpella de nouveau avant que je ne m'en aille.
- Mack The Knife Jones, bienvenue dans l'équipe.
"La saison sera difficile, n'est-ce pas, filston?" dit-il en se penchant vers moi.
Je lui répondis brièvement que c'était la première fois que je venais ici.
Il cligna des yeux, se redressa et sembla soudainement très confus. Comme s'il m'apercevait enfin correctement, il se leva très lentement en fronçant ses sourcils poivre-et-sel.
- Ne vous ai-je pas déjà rencontré quelque part, mon ami? me lança-t-il rapidement.
- Je ne sais plus, vous me paraissez familier mais je n'ai aucun souvenir que nous soyons présentés, répondis-je en hésitant. Mon nom est Jones. C'est étrange, vous m'évoquez la même chose que cette vision verdâtre au loin là devant, qui me rassure et me rend fier, comme un père dans la tempête."
- Enchanté, Jones. Content de te l'entendre dire, et je suis entièrement d'accord avec toi, ajouta-t-il en prenant par la suite une profonde inspiration. C'est le plus beau des endroits, je n'ai jamais envie d'en partir. Je voudrais rester ici, ne plus quitter cette atmosphère, cette paix qui plane dans l'édifice. L'odeur de l'herbe, celles du devoir accompli, des miracles et du tabac. Le son des fantômes qui sifflent entre les manches des mélodies de l'ancien temps, celui du claquement de la balle sur le bois ferme des bâtons. Le soir, lorsque j'entre dans ma voiture après la fermeture des portes et que je vois dans mon rétroviseur les projecteurs du parc s'éteindre les uns après les autres, Jarry devient tout aussi sombre que mon coeur.
Un silence s'en suivit, remplit par le crépitement satiné de quelques ailes de pigeon.
Je voyais tout près sur le côté Rusty Staub parler avec Sutherland, tout deux dans leur nouvel uniforme. Staub enleva sa casquette et gratta ses clairs cheveux roux qui semblaient presque blonds, puis regarda dans ma direction et hocha la tête quand nos regards se croisèrent. J'avais l'impression que ces deux hommes parlaient de moi.
- Ils parlent de toi, me souffla le vieil homme à mes côtés, une sorte de rictus accroché sur sa mâchoire.
Ça m'a fait rire, il savait tout. Il savait qui j'étais et pourquoi je me trouvais là.
J'avais traversé les frontières pour finalement voir ce que j'ai vu. J'avais quitté Atlanta les yeux fermés, et soudainement j'arrivai à Montréal sans m'apercevoir que ma vie était changée. Il marmonna en creusant mes pupilles de son regard cernant.
- Je suis Gene Mauch, ton manager. Ton uniforme est sous la pirogue. Habille-toi et je te présenterai aux autres joueurs. N'oublie pas ton gant et tes crampons, on commence dans une heure.
Je sorti une pomme de mon sac, et commençai à en trancher la pelure avec mon couteau suisse, j'en pris une bouchée en souriant. Je hochai de la tête tandis que Mauch fixait la lame qui retournait rangée, dans ma poche. Je lui tendis un morceau du fruit que j'avais découpé pour lui. Il le saisit entre ses doigts aux ongles rougis par la terre de son champ intérieur, la croqua lentement puis l'avala avant de recracher quelques écailles de graines de tournesol probablement restées dans sa joue. Jamais je n'aurais cru naguère pouvoir rencontrer quelqu'un d'aussi mystérieux. En s'essuyant le côté des lèvres après une bouffée de son cigare déjà aux trois quarts consumé, il m'interpella de nouveau avant que je ne m'en aille.
- Mack The Knife Jones, bienvenue dans l'équipe.
lundi 10 juin 2013
Michael Robartes et le Cygne domestique

Assis sur une marche dans l'escalier du portique, il en grillait une deuxième tandis que de l'autre côté de la fenêtre le fixait cette lune jaune. Les yeux de cratères plus sombres qu'à l'habitude guettaient tout de même la demeure prise en otage dans les bras de la nuit. Michael Robartes lisait des lettres dans la lueur d'une chandelle, son visage hâlé se reflétait dans la vitrine de la porte d'entrée. La flamme dansait sur sa tour de cire au rythme de la guitare du jeune prêtre qui jouait tout ce que ses visions lui inspiraient. Une femme dans une robe bleue s'endormait sur la chaise berçante qui grinçait encore au pied de l'escalier. Elle était éblouissante, d'une beauté aveuglante tout comme le feu de l'ampoule qui l'éclairait. Michael Robartes leva ses yeux malades de sur ses papiers.
"Et vous, mon père, pourquoi semblez-vous si solitaire ces jours-ci?" Le jeune prêtre continua sa balade en fredonnant quelques notes du bout des lèvres. Puis, à la fin de sa mélodie, il s'arrêta de chanter en laissant résonner son dernier accord de guitare dans l'écho de la cage d'escalier.
"Mon fils, je me confesse aujourd'hui. Je ne pourrai garder la tête droite encore bien longtemps, elle penche et s'affaisse dans ma confusion la plus profonde. Elle surchauffe quand je voudrais la garder froide. Mes pensées s'agrippent à mon coeur et mon coeur s'agrippe à l'amour. Je m'empêtre dans les avances de deux femmes qui ont semé en moi tous les mirages de la vie. Je rêve d'une les yeux ouverts, je rêve de l'autre les yeux fermés. Je ne dors plus, je n'ai plus soif. Je suis un oiseau sans voyage, un grand cygne domestiqué. J'ai peur que ces images ne me quittent plus. Il ne reste de lucidité en moi que ce cognac, et vous, Michael."
Robartes de répondre "Allons, curé, votre coeur est bon. Partez très loin, volez, maintenant."
Le prêtre déposa son verre et au dehors il vit l'herbe gelée briller sous les rayons de la lune. En bas, la chaise berçante cessa de grincer et dans le silence quelqu'un parla.
Au soleil levant, les rideaux habillaient le matin pendant que le vent soufflait la noirceur de l'autre côté de l'horizon, et sur la poitrine de Robartes perlait une chair de poule entre quelques égratignures, là où la brise l'avait violemment embrassé. Un silence perçant tassait la brume entre le fleuve et le rang. La soeur de Michael monta à l'étage et demanda si tout allait bien à travers la porte de la chambre. Elle attendit, en vain, pas de réponse. Ce n'est que le lendemain qu'enfin elle pu entendre de l'autre côté les pas discrets d'un léger danseur.
Elle alla s'asseoir sur le bord de l'étang, et on lui murmura que le sommeil des cygnes sauvages ne commençait pas par une chanson, mais par un soupir.
vendredi 7 juin 2013
Les résonances

Quand l'gars y part ça m'tue dans l'temps c'comme un coup de massue. Les timbres qui m'traversent, qui m'font la passe, un micro-onde qui chauffe à blanc comme une gifle comme un aveu. Et mon aiguille qui te voyage jusqu'au bout des pixels, jusqu'au bout de ton extrême, de ta pureté, de ta souffrance, de ta beauté incandescente. Cette aiguille rouge indique la force de tout l'amour que j'ai pour toi. J'voulais qu'ensemble on monte le son, qu'ensemble on élève nos états de vivre, qu'ensemble on regarde des souvenirs de quand nos ondes commencé.
Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un peu de soleil, de toi en plein dedans qui brille sur ma rétine. J'ai besoin d'un livre qui donne envie de tomber amoureux. De riches mots profonds de sentiments. De l'encre sur ta peau et du sel sur ton sein. J'voudrais t'acheter toute ta douceur. La carte d'appel de ton sexe, l'essoufflement de mes dépenses. Couché sur le tapis du salon qui gratte qui pique à chaque élan.
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