Les secrets
Son lit est un bain d'eau salée. De la pluie oculaire en barrage de couvertures, filtrée par les cils d'un ange.
Es-tu l'une d'entre elles? Celles qui se baignent dans la tristesse du seigneur, et dans le sang de la tromperie.
Regarde sous le plancher, cherche les secrets que j'ai caché. Prends-les ces secrets, sache-le, je n'en veux plus ici.
Noie-les au fond du puits, et même lorsque le puits sera sec, brûle-les au fond du four, et même si ce four se salira, nettoie-le, passe l'éponge, et cette éponge contaminée, jette-la au loin dans la rivière où elle coulera, et chaque matin à la pêche, tu repêchera ces secrets pour souper, et lorsqu'ils entreront encore en toi, l'amertume renaîtra au fond de ta gorge.
Tranche-la.
C'est la seule façon d'en finir.
Un lit d'eau salée, de la pluie oculaire, des centaines en quarantaine, l'ange ligotée trempe dans ton regret.
Le ralenti
Les mains silencieuses
Les baisers silencieux.
Glisse ton nez sur le mien.
Les sourires silencieux.
Mes baisers imprécis
Sur tes hanches chaudes
Ces caresses étourdies
Et nos mains qui maraudent.
dimanche 22 avril 2012
samedi 21 avril 2012
Le geai bleu
Au feu les bûches, elles brûlent et chauffent la demeure. Le curé est sur le perron du presbytère, il prie les anges. Il prie les joies de la passion, celles d'aimer sans l'être, celles du désir inexpiable. Parfois, il regardait parfois dans la direction de la vitrine, et se dirigeait vers la vitrine en traversant le chemin. Il se paonadait d'une robe noire et de son livre sacré, il entrait derrière la vitrine et nous lisions parfois des simulacres des paradoxes et parfois des amertumes derrière la vitrine.
Un rôti cuit dans le poêle, en haut de l'escalier ça sent le rôti. Je suis couché par terre et mes cils battent comme les ailes d'un geai bleu blessé, sur les palissades de la ville orange. L'oracle de la tour du nord est seul comme le curé. Les geais bleu volent sur des miles à la ronde, sifflant la douleur de l'équivoque. La tombe la plus creuse du cimetière est celle où j'irai dormir. Au bout de la péninsule, un homme tend les bras vers le golfe, les geais bleus s'y poseront avant la traversée.
La goutte panacée
Une goutte de condensation perle sur le plafond au dessus de ma tête. Elle s'allonge et s'allonge, elle ne tombe jamais, elle ne fait que s'allonger. Elle perle jusqu'au plancher. C'est une colonne de goutte. C'est une chute interminable. Le plancher s'imbibe et s'inonde. Le bois gonfle et gonfle. Le bois gonfle comme une miche de pain. Des trous s'ouvrent et des mulots en sortent apeurés, les pauvres mulots. L'eau est forte, l'eau est froide. L'eau coule sur le ventre d'une femme, l'eau coule sur le ventre d'une mère. L'eau d'en face coule sur les fronts. L'eau d'à côté coule sous les ponts. La mienne perle du plafond en stalactite liquide, lentement comme une promenade.
La panique
J'ai besoin d'un baiser d'ange, sur mon front mouillé de l'eau d'en face. Je prierai s'il le faut mon père envoyez moi les anges vous les connaissez vous leur parlez toujours je le sais je vous vois mon père s'il le faut je prierai voyez vous l'eau qui coule lentement comme une promenade mon père les mulots courent dans la cuisine le rôti cuit toujours mon père soupez avec nous s'il le faut je prierai toujours aux anges jusqu'à perdre le souffle et la raison mon père.
Je vous le promets, vous lez connaissez, envoyez-les mon père avant que le coeur me sorte par la bouche.
Un rôti cuit dans le poêle, en haut de l'escalier ça sent le rôti. Je suis couché par terre et mes cils battent comme les ailes d'un geai bleu blessé, sur les palissades de la ville orange. L'oracle de la tour du nord est seul comme le curé. Les geais bleu volent sur des miles à la ronde, sifflant la douleur de l'équivoque. La tombe la plus creuse du cimetière est celle où j'irai dormir. Au bout de la péninsule, un homme tend les bras vers le golfe, les geais bleus s'y poseront avant la traversée.
La goutte panacée
Une goutte de condensation perle sur le plafond au dessus de ma tête. Elle s'allonge et s'allonge, elle ne tombe jamais, elle ne fait que s'allonger. Elle perle jusqu'au plancher. C'est une colonne de goutte. C'est une chute interminable. Le plancher s'imbibe et s'inonde. Le bois gonfle et gonfle. Le bois gonfle comme une miche de pain. Des trous s'ouvrent et des mulots en sortent apeurés, les pauvres mulots. L'eau est forte, l'eau est froide. L'eau coule sur le ventre d'une femme, l'eau coule sur le ventre d'une mère. L'eau d'en face coule sur les fronts. L'eau d'à côté coule sous les ponts. La mienne perle du plafond en stalactite liquide, lentement comme une promenade.
La panique
J'ai besoin d'un baiser d'ange, sur mon front mouillé de l'eau d'en face. Je prierai s'il le faut mon père envoyez moi les anges vous les connaissez vous leur parlez toujours je le sais je vous vois mon père s'il le faut je prierai voyez vous l'eau qui coule lentement comme une promenade mon père les mulots courent dans la cuisine le rôti cuit toujours mon père soupez avec nous s'il le faut je prierai toujours aux anges jusqu'à perdre le souffle et la raison mon père.
Je vous le promets, vous lez connaissez, envoyez-les mon père avant que le coeur me sorte par la bouche.
mercredi 21 mars 2012
Les Scalpels

Ne t’en fais pas.
Je nous ai plongés dans le plus grand des paradoxes, dans un abîme d’attente si profond qu’on en oublie parfois l’existence. On tombe si longtemps, qu’on ne tombe plus vraiment. C’est un vol plané, pourtant loin d’être planant. C’est une chute incontrôlée, incontrôlable.
Je nous ai plongés dans le plus grand des océans, dans un abîme de bleu si profond qu’on en oublie parfois la présence. On coule si longtemps, qu’on ne coule plus vraiment. C’est un lointain naufrage, un naufrage improvisé, imprévisible.
Je pars pour moi. Je pars pour le futur. Je n’ai pas exactement le mal du pays, mais le départ me ronge les artères. Toutes ces nuits passées au bord de la mer ont fini par me noyer. La marée se saisira de moi et m’expulsera loin, si loin de toi,
sur un vieux rocher désert, une île volcanique où, après avoir sombré, seul, dans la folie, je trouverai peut-être la paix d’une chaleur maternelle, magmatique, ardente et sereine. Alors peut-être verrai-je la lumière, peut-être percerai-je la neige à mon tour, dans l’éclosion d’un jour nouveau, au réveil d’un printemps qui depuis longtemps hiberne.
C’est si difficile de quitter ce qui me retient, c’est difficile de regarder s’éloigner le paysage lorsqu’en avant, il n’y existe rien d’autre qu’un horizon vierge, rien d’autre que les deux grands bleus qui se rejoignent, deux mondes à part, le gazeux et le liquide, qui se fracassent l’un contre l’autre comme deux frères en furie, comme deux meurtriers.
C’est si difficile de te regarder dans les yeux, de te dire tous ces mots coupants, de t’ouvrir les trippes avec mes scalpels. C’est si difficile de t’avouer tout ce mal qui m’habite, pour t’en faire tout autant. C’est difficile de ne pas pleurer. C’est si difficile de ne pas te dire «je t’aime», avant de m’en aller.
Mais je pars pour moi. Je pars pour mieux revenir. Je pars pour me connaître, et je reviendrai, sachant qui je suis, au lieu de savoir qui j’aimerais être.
mardi 13 mars 2012
Mercredi ou la vie sauvage : épisode IX
Qu'est-ce que j'vais faire du restant de ma vie? Le réchauffer?
J'suis assis sur mon steak à la taverne tâchant de le décongeler, pendant que les autres grincheux me regardent moisir sous la poussière abondante de la micro-brasserie micro-ondes. Après une demie bouteille de la meilleure eau-de-vie du village, le vieux qui me sert à boire depuis tout à l'heure croit que j'suis assez chaud, je me lève insistant pour y sacrer la volée l'autre bord du comptoir mais je glisse comme une robine qu'on fait patiner vers son client. Je tombe par terre et voilà que la crasse m'imbibe, je me ramasse en moins de trois secondes et je sacre mon camp de cet endroit miteux en me demandant même pourquoi je m'y trouvais quelques secondes auparavant. Je déssaoule un peu moins vite que j'bois. Faque j'vais m'caler un petit remontant au café du coin. Un chocolat chaud, crème fouettée, la spécialité à Lawson.
J'en prend une gorgée. Il me saute au nez, il me coule dans le mauvais tuyau tellement je le qualifierais du même terme que mon tuyau. Comme pour m'aider dans mon départ. J'avais déjà prévu partir. J'allais simplement dire au revoir au paysage qui m'a ennuyé toutes ces années en espérant qu'il me retienne. Mais non! Il me jette dehors. La tasse se retrouva expressément sur la murale d'en face, et j'espérais que ça dégouline longtemps pour tacher le plus possible. Je kickai le tabouret qui me bloquait le passage, puis je m'élançai vers l'intersection, tapissée de lignes directionnelles jaunes. Des sortes de chemins d'or prétracés que je regardai un instant avec dégoût, apercevant presque le magicien d'Oz l'autre côté de la rue. Je quittai les voies du destin pour une destination inconnu, et à chaque pas son indigestion! L'océan m'appelait. D'ici on voyait la côte s'effondrer vers un plancher turquoise, et je m'imaginais les îlots parsemés de Mercredis à côtoyer.
Qu'est-ce que je vais faire du restant de ma vie, vous dites?
Je descendis vers les rochers en bas, jetant mon chapeau en l'air et défaisant ma cravate. L'eau me coupa le souffle de sa douceur, m'émouvant, me rappelant ma nature, ma vraie.
Et je nageai comme si la fin du monde était à mes trousses. Vers les vagues et vers l'évase. Je pensais en nageant. Je pensais à ce que je faisais. C'est rare je crois.
Au milieu d'un monde bien plus grand que le mot milieu, j'ai été aussi aussi seul que le L emprisonné entre le mi et le ieu. J'ai été accompagné tel le I de mi l'est avec le I de ieu. J'ai été sur et sous la Terre, pour me rendre compte que des deux côtés on finit toujours par chialer. J'ai parcouru l'est et l'ouest de cargaison en cargaisons. J'ai visité les recoins du continent et c'est bien là que la poussière se ramasse ; dans les coins. C'est peut-être pour ça que je préfère les îles rondes. Sans pauvres tas de minous gris, sans oublis. J'ai été dans toutes sortes de milieu. Et c'est donc ce qui conclu toute l'affaire. On vit dans un milieu. Un milieu sans juste-milieu. Un milieu répétitif, un purgatoire. J'ai eu beau creuser le trottoir, pas assez creux toutefois pour trouver espoir. J'ai attendu Guillaume au café et il me l'a dit : «C'est pas un roman, c'est pas d' la fiction. On a les mains pleines de sang...»
J'ai trouvé le fond, les côtés, il me reste juste à défoncer le plafond, voir s'ils y font du meilleur chocolat chaud.
Et je nageais vers le fond comme si la fin du monde était à mes trousses. Je m'éloignais des droits, des règlements qui les contrent, des faux amis, des natures mortes, des fausses perspectives, des codes, des civilisations, des lois, des douleurs, des routes et des gens qui étouffent dans un dogme, pire que ces gens qui toussent à la taverne, pire que les gens pris dans leur caverne. Je vais rejoindre Jules Verne.
Vingt mille lieues sous les mers. Après une vie aussi plate que onze heures de descriptions, je commence à comprendre que la beauté prend forme sous mes yeux à l'instant ou je plonge. Même s’il était plate, il avait raison, Jules. C'est pareil comme dans le livre. Mais y'a qu'un hic. C'est que je resterai pas assez longtemps pour y écrire une histoire.
Pourquoi faut nager vers le fond si on veut juste monter en haut? Ça l'air que sur Terre, pour vivre ou mourir, faut toujours que j'y aille à contre-courant.
Bonne nuit la vie. Je t'ai vu grandir à travers les vitres de mon café, et tu m'as aspiré, pendant que je te buvais à petites gorgées. Tu m'as avalé trop vite, sans me savourer.
Bonne nuit la vie. C'était mon dernier mercredi.
J'suis assis sur mon steak à la taverne tâchant de le décongeler, pendant que les autres grincheux me regardent moisir sous la poussière abondante de la micro-brasserie micro-ondes. Après une demie bouteille de la meilleure eau-de-vie du village, le vieux qui me sert à boire depuis tout à l'heure croit que j'suis assez chaud, je me lève insistant pour y sacrer la volée l'autre bord du comptoir mais je glisse comme une robine qu'on fait patiner vers son client. Je tombe par terre et voilà que la crasse m'imbibe, je me ramasse en moins de trois secondes et je sacre mon camp de cet endroit miteux en me demandant même pourquoi je m'y trouvais quelques secondes auparavant. Je déssaoule un peu moins vite que j'bois. Faque j'vais m'caler un petit remontant au café du coin. Un chocolat chaud, crème fouettée, la spécialité à Lawson.
J'en prend une gorgée. Il me saute au nez, il me coule dans le mauvais tuyau tellement je le qualifierais du même terme que mon tuyau. Comme pour m'aider dans mon départ. J'avais déjà prévu partir. J'allais simplement dire au revoir au paysage qui m'a ennuyé toutes ces années en espérant qu'il me retienne. Mais non! Il me jette dehors. La tasse se retrouva expressément sur la murale d'en face, et j'espérais que ça dégouline longtemps pour tacher le plus possible. Je kickai le tabouret qui me bloquait le passage, puis je m'élançai vers l'intersection, tapissée de lignes directionnelles jaunes. Des sortes de chemins d'or prétracés que je regardai un instant avec dégoût, apercevant presque le magicien d'Oz l'autre côté de la rue. Je quittai les voies du destin pour une destination inconnu, et à chaque pas son indigestion! L'océan m'appelait. D'ici on voyait la côte s'effondrer vers un plancher turquoise, et je m'imaginais les îlots parsemés de Mercredis à côtoyer.
Qu'est-ce que je vais faire du restant de ma vie, vous dites?
Je descendis vers les rochers en bas, jetant mon chapeau en l'air et défaisant ma cravate. L'eau me coupa le souffle de sa douceur, m'émouvant, me rappelant ma nature, ma vraie.
Et je nageai comme si la fin du monde était à mes trousses. Vers les vagues et vers l'évase. Je pensais en nageant. Je pensais à ce que je faisais. C'est rare je crois.
Au milieu d'un monde bien plus grand que le mot milieu, j'ai été aussi aussi seul que le L emprisonné entre le mi et le ieu. J'ai été accompagné tel le I de mi l'est avec le I de ieu. J'ai été sur et sous la Terre, pour me rendre compte que des deux côtés on finit toujours par chialer. J'ai parcouru l'est et l'ouest de cargaison en cargaisons. J'ai visité les recoins du continent et c'est bien là que la poussière se ramasse ; dans les coins. C'est peut-être pour ça que je préfère les îles rondes. Sans pauvres tas de minous gris, sans oublis. J'ai été dans toutes sortes de milieu. Et c'est donc ce qui conclu toute l'affaire. On vit dans un milieu. Un milieu sans juste-milieu. Un milieu répétitif, un purgatoire. J'ai eu beau creuser le trottoir, pas assez creux toutefois pour trouver espoir. J'ai attendu Guillaume au café et il me l'a dit : «C'est pas un roman, c'est pas d' la fiction. On a les mains pleines de sang...»
J'ai trouvé le fond, les côtés, il me reste juste à défoncer le plafond, voir s'ils y font du meilleur chocolat chaud.
Et je nageais vers le fond comme si la fin du monde était à mes trousses. Je m'éloignais des droits, des règlements qui les contrent, des faux amis, des natures mortes, des fausses perspectives, des codes, des civilisations, des lois, des douleurs, des routes et des gens qui étouffent dans un dogme, pire que ces gens qui toussent à la taverne, pire que les gens pris dans leur caverne. Je vais rejoindre Jules Verne.
Vingt mille lieues sous les mers. Après une vie aussi plate que onze heures de descriptions, je commence à comprendre que la beauté prend forme sous mes yeux à l'instant ou je plonge. Même s’il était plate, il avait raison, Jules. C'est pareil comme dans le livre. Mais y'a qu'un hic. C'est que je resterai pas assez longtemps pour y écrire une histoire.
Pourquoi faut nager vers le fond si on veut juste monter en haut? Ça l'air que sur Terre, pour vivre ou mourir, faut toujours que j'y aille à contre-courant.
Bonne nuit la vie. Je t'ai vu grandir à travers les vitres de mon café, et tu m'as aspiré, pendant que je te buvais à petites gorgées. Tu m'as avalé trop vite, sans me savourer.
Bonne nuit la vie. C'était mon dernier mercredi.
mardi 27 décembre 2011
Introduction
Tu lis ces mots ou tu les liras peut-être demain. Je te les écris très tôt, un matin noir foncé, froid, quasiment frette, la pipe à la main, confortablement installé dans le creux de mon fauteuil de cuir usé, chemise de nuit et pantoufles aux pieds. C'est janvier, le givre abrille le châssis du salon par lequel j'ai tranquillement regardé la ville s’endormir, la veille, pendant qu'à mon habitude je me forais la pensée à la recherche de petits trésors susceptibles de se poser, comme à l'instant, à la fin de mes phrases, sur mon papier.
J'ai une certaine fascination pour ces choses-là, tu comprendras. Les idées et le papier. Ce sont des choses qu'on ne maîtrise que rarement. On efface souvent et on recommence parfois, des oeuvres complètes ou des nouvelles ridicules, la plupart du temps médiocres. Et il arrive, des soirées mémorables, pendant lesquelles les idées fluctuent, se bâtissent entre elles, forment des paragraphes et on l'espère des pages, puis on aime ça. Écrire ça fait mal, dit-on. Les dramaturges, les démiurges de nos sous-univers, les mélomanes et les âmes perdues seraient d'accord avec moi. On aime souffrir en face des gens qui nous regardent. On souffre seul, seul avec le monde entier. Eh que ça fait donc du bien d'être triste, diront-ils, ces fantômes et ces martyres. Je n'en dirai pas autant. La passion me suffit. Cette maudite sensation d'aimer quelque chose plus fort que tout et de se sentir prêt à se sacrifier pour elle, sans rien en retour. L'inconditionnelle dévotion pour un domaine ou un art, une muse, un plaisir, une femme, c'est comme un poème de Leclerc, comme un tableau de Riopelle, on ne comprend pas toujours mais ça fait mal en dedans.
Le papier aussi, ça me fait mal en dedans. Parce que j'ai de la misère à me lire, à me faire comprendre, à comprendre ce que je fais ou ce que je voudrais faire. Mais le papier lui, peu importe, il sera toujours là pour moi. Le meilleur confident, sans bras pour m’accueillir, sans oreille pour m'écouter, sans épaule pour me soutenir, sans bouche pour m'embrasser. Mais il a l'espace. Le grand blanc, sur lequel dessiner tout ça, l'inventer, le plier, l'envoyer, le mâcher, le coller, le donner, le déchirer, le brûler, le vieillir, le sentir, le froisser, le trouer, le presque tout. Pourtant, je ne m'étais jamais imaginé finir par le vendre. Je ne comprends pas.
On vit la grosse époque, dit-on, et je n'y comprends que certaines choses. Je suis du genre idiot ou du genre rebelle. Je ne suis pas du genre fouineux ou du genre qui aime me mêler des oignions des autres. Mes oignons sont bien meilleurs, de toute façon. Je ne suis pas champion ni acteur, pas voleur ou politicien, pas pilote ni soldat, pas poltron ni mort de peur, pas brillant ni mât, pas pion ni roi. Et alors que le monde s'imagine se faire aller sur les tapis rouges, je les déroule et retourne chez moi, profiter du silence et de la musique, parfois, de l'odeur du souper qui mijote sur le poêle à bois, de la chaleur qui m'attend. Pour peindre, loin des foules et des caméras, des poignées de mains et des rues humides, loin des souris de ville, sur ma toile, des mots de bonheur et de sincérité, je préfère les champs du rat et la lumière des étoiles.
J'suis comme ça, mais ne te méprend, jamais, à penser que je régurgite de l'urbain, après mon verre de lait. C'est que la beauté d'une citée ne se trouve pas nécessairement en ses habitants, mais peut-être en la vie qu'elle leur donne. Ça bouge et ça court partout, ça danse et ça chante. La métropole est trop rapide pour moi. Elle tourne les pages plus vite que je ne les lis, elle m'essouffle et je perds des morceaux à mon histoire. J'arrive à la fin sans connaître le début et c'est toujours comme ça.
Le soleil se lèvera dans un quart d'heure, et ta mère également. Elle s'était endormie sur le divan, bordée par la radio et le dernier thème d'un smooth jazz à faire brailler les grand-pères. La bouilloire chauffe déjà l'eau du thé matinal qu'elle sirotera du bout des ses lèvres craquées. Sa toux se calmera et nous parlerons de toi, de ton nom et de ce que tu aimeras, à ton tour. Nous parlerons d'amour, nous parlerons d'hier. Nous parlerons du beau temps, puis nous parlerons d'hiver. Nous parlerons de Dylan puis nous ne parlerons plus. Nous parlerons de Miron, ensuite de Borduas. D'il était une fois.
J'ai une certaine fascination pour ces choses-là, tu comprendras. Les idées et le papier. Ce sont des choses qu'on ne maîtrise que rarement. On efface souvent et on recommence parfois, des oeuvres complètes ou des nouvelles ridicules, la plupart du temps médiocres. Et il arrive, des soirées mémorables, pendant lesquelles les idées fluctuent, se bâtissent entre elles, forment des paragraphes et on l'espère des pages, puis on aime ça. Écrire ça fait mal, dit-on. Les dramaturges, les démiurges de nos sous-univers, les mélomanes et les âmes perdues seraient d'accord avec moi. On aime souffrir en face des gens qui nous regardent. On souffre seul, seul avec le monde entier. Eh que ça fait donc du bien d'être triste, diront-ils, ces fantômes et ces martyres. Je n'en dirai pas autant. La passion me suffit. Cette maudite sensation d'aimer quelque chose plus fort que tout et de se sentir prêt à se sacrifier pour elle, sans rien en retour. L'inconditionnelle dévotion pour un domaine ou un art, une muse, un plaisir, une femme, c'est comme un poème de Leclerc, comme un tableau de Riopelle, on ne comprend pas toujours mais ça fait mal en dedans.
Le papier aussi, ça me fait mal en dedans. Parce que j'ai de la misère à me lire, à me faire comprendre, à comprendre ce que je fais ou ce que je voudrais faire. Mais le papier lui, peu importe, il sera toujours là pour moi. Le meilleur confident, sans bras pour m’accueillir, sans oreille pour m'écouter, sans épaule pour me soutenir, sans bouche pour m'embrasser. Mais il a l'espace. Le grand blanc, sur lequel dessiner tout ça, l'inventer, le plier, l'envoyer, le mâcher, le coller, le donner, le déchirer, le brûler, le vieillir, le sentir, le froisser, le trouer, le presque tout. Pourtant, je ne m'étais jamais imaginé finir par le vendre. Je ne comprends pas.
On vit la grosse époque, dit-on, et je n'y comprends que certaines choses. Je suis du genre idiot ou du genre rebelle. Je ne suis pas du genre fouineux ou du genre qui aime me mêler des oignions des autres. Mes oignons sont bien meilleurs, de toute façon. Je ne suis pas champion ni acteur, pas voleur ou politicien, pas pilote ni soldat, pas poltron ni mort de peur, pas brillant ni mât, pas pion ni roi. Et alors que le monde s'imagine se faire aller sur les tapis rouges, je les déroule et retourne chez moi, profiter du silence et de la musique, parfois, de l'odeur du souper qui mijote sur le poêle à bois, de la chaleur qui m'attend. Pour peindre, loin des foules et des caméras, des poignées de mains et des rues humides, loin des souris de ville, sur ma toile, des mots de bonheur et de sincérité, je préfère les champs du rat et la lumière des étoiles.
J'suis comme ça, mais ne te méprend, jamais, à penser que je régurgite de l'urbain, après mon verre de lait. C'est que la beauté d'une citée ne se trouve pas nécessairement en ses habitants, mais peut-être en la vie qu'elle leur donne. Ça bouge et ça court partout, ça danse et ça chante. La métropole est trop rapide pour moi. Elle tourne les pages plus vite que je ne les lis, elle m'essouffle et je perds des morceaux à mon histoire. J'arrive à la fin sans connaître le début et c'est toujours comme ça.
Le soleil se lèvera dans un quart d'heure, et ta mère également. Elle s'était endormie sur le divan, bordée par la radio et le dernier thème d'un smooth jazz à faire brailler les grand-pères. La bouilloire chauffe déjà l'eau du thé matinal qu'elle sirotera du bout des ses lèvres craquées. Sa toux se calmera et nous parlerons de toi, de ton nom et de ce que tu aimeras, à ton tour. Nous parlerons d'amour, nous parlerons d'hier. Nous parlerons du beau temps, puis nous parlerons d'hiver. Nous parlerons de Dylan puis nous ne parlerons plus. Nous parlerons de Miron, ensuite de Borduas. D'il était une fois.
dimanche 27 novembre 2011
L'ivre bateau et le couteau froid

Gratte moi le cervelet, avec un râteau en métal. Écorche moi les nerfs et tords moi les cheveux, lave moi la langue et débouche mes narines. Les bulles sanguines qui s'y forment me gênent un peu, dans la mesure où tout ceci est diffusé à travers les réseaux pervers et sociaux.
JE FUME MES TRIPES ET JE FUME MES JOURNÉES. JE FUME TOUT LE TEMPS ET JE FUME POUR ME TUER.
J'ai envie que tu pisses des larves.
Scellez moi les plaintes parce que mes lignes ne répondent plus.
La folie m'emportera bientôt et j'espère qu'elle n'amènera rien avec moi.
Ni toi, ni quelconque autre objet.
Je me trompe surement, mais je pense savoir quoi faire ici.
Et c'est probablement tout sauf vivre l'heureuse prophétie, ou la providence de mes deux.
mardi 27 septembre 2011
Sa mère

J'essaye tout plein d'affaires, j'essaye d'avoir l'air fin, de progresser.
J'm'écoeure moi-même. Mes études me grugent et me prennent, me pitch de tout bord tout côté. J'les fais, pis j'sais que j'les fais pour presque rien. J'me dis que si t'es fier de moi c'est correct, j'vais continuer même si j'sais pertinemment que quand j'aurai fini, j'vais avoir un bout de papier. Rendu là, restera plus qu'à me torcher le cul avec. J'les ai abandonné l'an dernier, j'ai rien trouvé de mieux, j'y suis retourné cette année. J'trouve pas ça tant mieux. Un peu, j'ai mes chums avec moi. Mais j'sais jamais si j'aime vraiment ça.
C'est bizarre, y'a ben des choses que j'sais que j'aime vraiment.
J'aime l'odeur des saisons, j'aime le vent qui contourne mes lunettes soleil en vélo, j'aime les tapis arabes, la peau de vache sous mes pédales de guitare, les choses anciennes et celles qui sentent le vieux, j'aime le carton vieilli qui recouvre mes vinyles grafignés, j'aime m'asseoir sans bruit, j'aime les lueurs orangées, j'aime le craquement des feuilles d'automne quand je les piétine doucement, j'aime jouer de la guitare sur mon lit le moins fort possible, j'aime m'imaginer devant des centaines de visages stupéfaits, j'aime les saluer et leur dire merci, j'aime les artistes incompris, j'aime faire exprès d'être toujours différent, j'aime la peinture, le thé, j'aime l'odeur du tabac, des fois on dirait l'odeur des raisins secs, j'aime la musique espacée, le silence surtout, j'aime les grincement de portes, les fenêtres qui s’embuent, les dessins dans la buée, j'aime la neige dans mes cheveux, j'aime les films plus vrais que la vraie vie, j'aime les petits détails qui font de la vie plus qu'une bête histoire de péripéties, qui en font un livre de beauté et de moments précieux. J'aime ma famille et mes amitiés.
Cette semaine j'ai recommencé à ne plus dormir, j'sais pas ce que j'ai. Tu sais très bien que chez moi c'est maladif. Quand j'dors pas, ça va mal.
J'ai peur que ça me rattrape plus tard.
J'pense beaucoup. J'ai pas mal d'idées, de grands projets qui me rendront tous aussi pauvre les uns que les autres. Des voyages, des rêves, ouvrir un magasin de disque indépendant, ouvrir un café, un bar spectacle, j'sais pas. Partir en tournée dans une vieille van qui fera pas l'hiver. Jouer dans l'métro pour une couple de piastres, m'acheter une liqueur pis l'regretter quand y'en a pu.
Vendre mon char, acheter une guitare, une bague de fiançailles pis chanter mon amour.
Là j'écoute Vollebekk, c'est beau, pis j'pense à toi m'man. J'm'ennuie d'toi, Pis dire que tout ce temps là j'ai encore juste parlé de moi.
Garde donc ça comme j'suis pas bien. J'aurais dû fermer l'ordi, anyway y'a pas grand monde qui vont lire ça mais j'sais que toi tu vas l'faire. J'aurais dû aller m'coucher, ou t'appeler, pis t'écouter m'parler. C'est ça j'aurais dû faire.
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